Lors de l’examen des recettes du budget de l’État pour 2018, nos concitoyens ont pu apprendre que la puissance publique dispense des aides de toutes sortes sous formes d’exonérations variées, de franchises, de cotisations, de crédits d’impôts, et, bien entendu, des aides directes telles allocations, avances remboursables, taux garantis, primes, ce que l’on nomme des « subventions ». Il y aurait environ 450 niches de ce genre. C’est un des fourrés dans la forêt fiscale. L’ensemble de ces dépenses fiscales coûte 100 milliards d’euros à l’État devenant ainsi un « ingrédient vital du système économique français ».
Un bon exemple est celui des services publics marchands, pour lesquels les usagers paient une part de plus en plus modeste. Il y a quarante ans, un déplacement en TER était payé par l’usager à 70 %, 55 % il y a vingt-cinq ans et 25 % aujourd’hui. Le gros des aides irrigue tous les secteurs privés marchands, notamment tous les gros employeurs de main-d’œuvre : construction, industrie, transport, hôtellerie, restauration, commerce, aide à domicile, édition, presse…
Valérie Segond a donné des précisions : entre les exonérations générales (29,6 milliards d’euros en 2017) ou spécifiques (7,5 milliards) de cotisations sociales et le CICE (21 milliards d’euros), plus de 58 milliards d’aides viennent réduire le coût du travail pour l’employeur (Le Monde, 24/10/2017). Selon Aides-entreprises.fr, il y a 2024 aides financières nationales, européennes ou locales. C’est un argument de vente. Qui n’a pas entendu un menuisier ou un chauffagiste énumérer les crédits d’impôt transition énergétique, la TVA réduite, le prêt à taux zéro, etc. ? Tout comme les services ménagers, ou de jardinage, ou l’agent immobilier vanter les déductions d’impôts de la loi Pinel.
Des secteurs privés ne pourraient pas survivre sans les aides, ainsi l’agriculture avec les subventions d’exploitation qui se montent au tiers de la valeur ajoutée ; ainsi le secteur des services à la personne (près de 12 milliards d’aides)… Ces aides se sont accumulées depuis des années car les gouvernements successifs ont trouvé par ce biais des possibilités de faire baisser (un peu) le chômage. Peu à peu la liste des services s’est allongée (surveillance, dépannage informatique…). Pour les économistes, les aides d’État à l’économie – plus de 40 milliards d’euros par an – sont octroyées pour alléger le coût du travail sur les bas salaires. Ce qui n’est pas le cas ailleurs, par exemple en Allemagne. Cela signifie qu’en France, on ne paie pas le vrai prix des choses. « Pour des raisons politiques et sociales, on a toujours préféré cacher la vérité en compensant partout les distorsions de prix par les subventions » (Patrick Artus, Banque Natixis). Le plus vexant est, aux dires même de la Cour des comptes, que l’État est incapable de s’assurer qu’une aide atteint bien l’objectif qu’il s’était fixé lors de sa création. Surtout, personne ne semble avoir le courage politique d’assumer le retrait d’une aide publique à l’efficacité douteuse. En 2015, la Cour des comptes avait demandé que l’on procédât à l’évaluation exhaustive des dépenses fiscales d’ici à 2019. Réponse officielle : « La recommandation n’a pas été mise en œuvre car l’administration n’y est pas favorable ». La boucle est bouclée.
Michel LEBLANC et Jacques DE KREMER
PS. Sans rapport direct avec le sujet précédent, il nous faut évoquer l’aide médicale d’État (AME) dont nous apprenons le montant pour l’an à venir. Cette aide instaurée en 2000 est destinée aux étrangers sans papiers résidant en France depuis plus de trois mois et qui en font la demande. En 2017 elle était de 815 millions d’euros. Pour 2018, sont prévus 882 millions. Le nombre des bénéficiaires serait de plus de 310 000 individus. Qui paie ?