Maastricht. La république ne fête pas ses victoires

Maastricht était réputé pour être LA solution à la majeure partie des problèmes d’après-guerre. Les aspects sécuritaires, politiques, économiques et sociaux prenaient une valeur européenne incontournable et absolue, dans l’Europe telle qu’elle fut alors présentée. Analyse d’un traité arraché de force, à l’aune de ses effets.

Lu dans Le Bulletin d’André Noël :

Il y a vingt-cinq ans, le funeste traité de Maastricht

Généralement, notre classe politico-médiatique est friande de commémorations historiques dont le but est moins de célébrer l’anniversaire d’un événement que l’excellence de ceux qui en furent à l’origine.

Or, le 7 février, c’était le 25e anniversaire de l’adoption du traité de Maastricht en 1992 et il n’y eut nulle part, ni au gouvernement, ni dans l’opposition, quelque célébration que ce soit. Pourtant, à l’époque, les partis de gouvernement, le PS, le RPR et l’UDF firent campagne pour le « oui » (mais aussi le PRG, Les Verts.) Seules des minorités à l’intérieur de chaque camp se prononcèrent pour le « non ». De même, comme pour la constitution européenne plus tard, la grande majorité des orga­nes de presse fit campagne pour le « oui ».

Apparemment, ni les socialistes, ni les chiraquiens, devenus sarkozystes ou fillonistes, ne sont fiers d’avoir four­voyé le pays dans une impasse et bradé une large part de la souveraineté nationale. Ils préfèrent oublier ! Chut !

Mais cette aliénation n’était-elle pas pour le mieux ? En échange, nous allions vivre des années de prospérité, l’Europe allait connaître la croissance la plus élevée du monde et, par-là, éradiquer le chômage. Une affiche de pro­pagande de l’UDF représentant des enfants joyeux avait pour légende :

« Dites oui à l’Europe aujourd’hui ; demain ils vous diront merci ! » Las ! Les gamins et les gamines, devenus adultes, ne disent pas merci aux parents qui ont voté « oui » : si au moins un quart d’entre eux est au chômage, d’autres n’ont que des boulots précaires et ceux qui ont obtenu enfin un CDI ne l’ont acquis qu’autour de la trentaine.

Il est cruel de rappeler aujourd’hui les déclarations des uns et des autres, en 1992, à la lumière de la réalité de 2017. Michel Rocard :

« Maastricht constitue les trois clefs de l’avenir : la monnaie unique, ce sera moins de chômeurs et plus de prospérité ; la politique étrangère commune, ce sera moins d’impuissance et plus de sécurité ; et la citoyenne­té, ce sera moins de bureaucratie et plus de démocratie. » Giscard : « Si le Traité était en application, finalement la Communauté européenne connaîtrait une croissance économique plus forte, donc un emploi amélioré. »

À l’époque Jean-Luc Mélenchon, grand pourfendeur de l’Union européenne de nos jours, était encore au parti socialiste et il af­firmait : « Maastricht, c’est le contrepoids politique à la libre circulation des capitaux et des marchandises » ; il ajoutait qu’avec le traité, « on commencerait enfin à voir un début d’Europe des citoyens. » Son compère, Julien Dray, était sur la même ligne qui a trompé les électeurs : « Oui, pour aller de l’avant dans les conquêtes sociales, il n’est d’autre avenir que la constitution de l’Europe. »

Quand l’euro nous a été imposé, des voix, à droite surtout, se sont élevées pour demander que les électeurs soient consultés par referendum. Bruxelles et Paris ont répondu : c’est fait ! Le traité de Maastricht prévoyait l’avènement de la monnaie unique. Le traité était un indigeste pensum en langage technocratique que pas un électeur n’a pu lire jusqu’au bout. L’euro y était pourtant annoncé et aux quelques-uns qui s’interrogeaient sur l’abrogation du droit régalien de battre monnaie, Édouard Balladur les rassurait, contre l’évidence écrite, en prétendant que l’euro n’était pas « obligatoire ».

Malgré tout cela, le succès électoral du traité ne tint qu’à un fil. Ce fut un « oui » mais du bout des lèvres (51,04% pour le oui, 48,96% pour le non) C’est dans ce texte que l’on trouve les « critères de convergence » qui nous sont encore imposés aujourd’hui : déficit public limité à 3% du produit intérieur brut (PIB), dette ne devant pas dépasser 60% du PIB. Le Monde (7 février) écrit que ces seuils « ont été inventés par trois hauts fonctionnaires français sur un coin de table ». Ces règles arbitraires, définies au doigt mouillé, sont pourtant devenues les tables de la loi européenne hors de l’application desquelles aucun pays ne pouvait trouver le salut, même si elles n’ont été que rarement intégralement ob­servées par tous les pays, dont la France.

Le Bulletin d’André Noël, n°2404, 13-19 février 2017

23, rue Paul Vaillant-Couturier, 94700, Maisons-Alfort

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