Lectures Françaises

Réinformation, analyse et décryptage de l'actualité

Louis Bertrand, quatre-vingts ans après… – Entretien avec Éric Georgin

Louis Bertrand, quatre-vingts ans après… – Entretien avec Éric Georgin

Lecture et Tradition : Monsieur le Professeur, pourquoi avez-vous organisé un colloque sur Louis Bertrand ?

Éric Georgin : Maître Daniel Heck, président-fondateur du Cercle des amis de Louis Bertrand et arrière petit-cousin de cet écrivain, avait organisé en 1991 avec plusieurs professeurs de l’Institut universitaire Saint-Pie X un colloque sur Louis Bertrand (1866-1941), essentiellement consacré au versant catholique de son œuvre. Il m’a demandé fin 2020 d’en organiser un deuxième pour le 80e anniversaire de la mort de cet écrivain. Cette journée d’étude s’est tenue en décembre 2021 à l’Université Paris II-Panthéon Assas, où je suis professeur. Le recueil d’études publié [1] reprend les sept communications prononcées à cette occasion, complétées par sept autres études. Olivier Dard, professeur à la Sorbonne, tire les conclusions de ces travaux. Quinze universitaires se sont ainsi mobilisés pour étudier l’œuvre littéraire et les engagements politiques et religieux de Louis Bertrand.

L. et T. : Comment le livre est-il organisé ?

E. G. : La première partie est consacrée à des « relectures de l’œuvre de Louis Bertrand ». Les auteurs analysent sa thèse, « La Renaissance classique » (manifeste politico-littéraire salué par Maurras lors de sa parution en 1903), ses romans africains – y compris Sanguis Martyrum, son roman de l’Afrique antique chrétienne réédité par Via Romana [2] –, son rapport à Flaubert, son rôle dans l’émergence du courant littéraire algérianiste ou encore son œuvre d’écrivain-voyageur (Les Villes d’or. Algérie et Tunisie romaines a été récemment réédité par les Éditions du Drapeau blanc [3] et figure au catalogue de Chiré). La deuxième partie étudie ses engagements politiques et religieux : son retour à la foi catholique, sa conversion politique au royalisme, son rapport à l’Espagne – où il se rendit régulièrement de 1895 à 1941 –, à l’Italie mussolinienne ou à l’Allemagne.

L. et T. : Vous publiez par ailleurs une chronologie très fournie qui est une ébauche de biographie, un cahier d’illustrations (photographies, dessins et caricatures) et des annexes où sont publiés d’intéressants documents.

E. G. : J’ai en effet rassemblé au fil des ans toute une documentation. De nombreuses lettres et des livres m’ont été donnés par une amie de Maurice Ricord (exécuteur testamentaire de Louis Bertrand après la mort de sa sœur Jane). C’est le cas d’un exemplaire de Moréas dédicacé par Maurras à Bertrand lors de leur première rencontre : « À monsieur Louis Bertrand en souvenir et en hommage de son client [au sens romain bien sûr] et ami Charles Maurras – Martigues ce 29 Août 1891. » Ou d’un envoi de Paul Valéry sur un exemplaire de Discours de réception de M. le Maréchal Pétain à l’Académie française et réponse de M. Paul Valéry: « à Louis Bertrand affectueusement – Son ami Paul Valéry ». Un autre document porte témoignage de la notoriété de Bertrand à l’étranger : une lettre d’avril 1916 de Domenico Oliva (1860-1917) – avocat, écrivain et journaliste, fondateur de l’Associazione Nazionalista Italiana et directeur de l’Idea nazionale–, qui se propose de faire « les honneurs du nationalisme italien » à Bertrand à l’occasion d’une mission de diplomatie officieuse en Italie dont il fut chargé par le gouvernement français pendant la Grande Guerre. Ou encore un document très émouvant que m’a donné Maître Heck : la lettre d’un charretier adressée à Louis Bertrand à l’époque où celui-ci écrivait Le Sang des races, dont les rouliers espagnols qui faisaient la route du Sud, d’Alger au Sahara, sont les héros :

« Berrouaghia le 27 Juin 1897 – Cher Louis Bertrand, Je te fais savoir que je ne suis pas encore prêt pour partir à Laghouat faute de chargement que j’en ai pas. Lorsque je serai prêt pour partir je te ferai savoir quelques jours avant pour que tu puisses te préparer. Je ne vois plus rien à te dire. Je termine ma lettre en te serrant la main. Ton Ami Jacques Olivier Dit Mandane ».

L. et T. : Dans quel milieu Louis Bertrand est-il né ?

E. G. : Louis Bertrand est né en 1866 à Spincourt, dans la Meuse. Son père, alors greffier de la justice de paix, fit par la suite de mauvaises affaires en reprenant la brasserie familiale implantée à Briey depuis le XVIIesiècle : privée de son débouché messin par l’annexion de « l’Alsace-Lorraine », l’entreprise fit faillite. Ces origines jouèrent un grand rôle dans la vie de Bertrand : né dans un milieu modeste, il dut sa promotion à l’École ; élevé dans la nostalgie d’une prospérité passée (sa grand-mère maternelle était née Bouvier de Lamotte et son arrière-grand-mère Adam de Fromeréville), il voulut toujours accéder à la notoriété ; enfin, il eut à sa charge ses parents et sa sœur Jane et resta célibataire. (LIRE LA SUITE DANS NOTRE NUMÉRO)

Propos recueillis par la rédaction

[1]Un écrivain français entre Europe et Afrique. Louis Bertrand, 1866-1941 (Éditions Via Romana, octobre 2022, 263 pages et 14 p. de photos et annexes, 25 €)

[2] – 2016, 334 p., 24 €.

[3] – Juin 2022, 172 p., 16 €.

Cet extrait du numéro 789 (janvier 2023) de Lectures Françaises vous est offert. Pour lire la suite, commandez le numéro ICI !

Découvrez nos offres d’abonnement