Aux élections européennes du 25 mai 2014, le Front National avait obtenu 24 élus sur un total de 74 députés français soit 1/3 de l’ensemble des élus et était, de loin, le premier parti politique à Strasbourg. Ce résultat historique et inespéré aura été de courte durée. En effet, trois ans et demi après, les députés français ne sont plus que 17 sur 24 élus au groupe Europe des Nations et des Libertés (ENL) [1], soit près d’un tiers en moins.
Jean-Marie Le Pen a été exclu par sa fille du groupe ENL et se retrouve aux non-inscrits en compagnie de Bruno Gollnisch qui, par solidarité pour son ex-président, l’a suivi dans son « exil intérieur ». Bruno Gollnisch qui a annoncé la fin de sa carrière politique aura déçu de nombreux militants et de sympathisants du FN qui espéraient le voir succéder à Jean-Marie Le Pen. Manifestement, au-delà de ses très grandes qualités intellectuelles, il n’avait pas l’âme ni la trempe d’un chef !
Madame Joëlle Bergeron fut élue dans la région Grand Ouest en deuxième position derrière le professeur de droit Gilles Lebreton. C’est une femme de grande valeur, commissaire-priseur en Bretagne, vieille militante du FN avec son mari, décédé prématurément, qui faisait honneur à la droite nationale. Hélas, harcelée par Gilles Pennelle, son suivant de liste, pour la convaincre de démissionner, elle s’est résolue à quitter la délégation FN, alors aux non-inscrits, pour rallier le groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe (ELDD) présidé par l’eurosceptique anglais, Nigel Farage, ancien leader de UKIP.
Aymeric Chauprade n’a pas eu la chance de rejoindre un groupe constitué. Il est aux non-inscrits depuis novembre 2015. Homme d’une haute tenue intellectuelle, géopoliticien [2] reconnu par ses pairs, ancien professeur à l’École de Guerre dont il avait été écarté, à la suite d’une dénonciation, pour des prises de position prétendument non conformistes et politiquement non correctes, il avait été choisi par Marine Le Pen pour présider la délégation française au Parlement européen. Sans expérience politique, il avait eu l’imprudence (mais est-ce imprudent que de dire la vérité ?) sur son blog de faire des déclarations sur l’Islam et le terrorisme, pourtant parfaitement argumentées, qui ne plurent pas à Madame Le Pen. Ne venant pas à résipiscence, il fut exclu non seulement de la présidence de la délégation française mais du groupe ENL. Comment pouvait-on se priver d’une telle « pointure » alors que le FN manque cruellement d’experts et de compétences dans un certain nombre de domaines ? Marine Le Pen n’en a cure ; elle préfère des affidés ou des ralliés médiocres qui ne lui font pas d’ombre et sont totalement soumis aux caprices de la présidente. Depuis, Aymeric Chauprade a rejoint le système en soutenant François Fillon tant à la primaire de la droite et du centre qu’au premier tour de l’élection présidentielle pour rallier ensuite… Emmanuel Macron ! Triste fin de parcours politique…
Enfin, dernier avatar pour l’instant : à la suite de l’affaire Florian Philippot et de son départ du FN pour créer son propre parti, les Patriotes, il a démissionné du groupe ENL au Parlement européen et a entraîné avec lui ses amies politiques Sophie Montel et Mireille d’Ornano. Cette dernière avait déjà trahi Jean-Marie Le Pen pour Mégret, elle trahit maintenant la fille pour Philippot. Celui qui a trahi une fois a toutes les chances de récidiver, en se trouvant naturellement les meilleures raisons du monde qui ne trompent que lui-même ! Philippot, Montel et d’Ornano ont rejoint depuis octobre 2017 le groupe ELDD de Nigel Farage.
Comme si cela ne suffisait pas, Madame Le Pen a exclu Ludovic de Danne, le secrétaire général du groupe ENL, pour « se protéger » dans l’affaire des assistants parlementaires engagés pour le Parlement européen mais travaillant pour le FN. Comme si M. de Danne avait la haute main sur le recrutement des assistants parlementaires et leur affectation au Parlement européen à Bruxelles ou au siège du FN à Nanterre ! Marine Le Pen devrait savoir que des fusibles qui sautent peuvent provoquer des courts-circuits !
Enfin, Charles Van Houtte, le comptable du groupe, inquiété par l’OLAF (organisme de lutte anti-fraude de l’Union européenne) et la police belge pour les mêmes affaires, risque, lui aussi, d’être lâché par Marine Le Pen, sous le prétexte qu’il participait au recrutement des collaborateurs du groupe mais sous l’autorité de la présidente du FN. Faire porter par des « lampistes » la responsabilité de ses actes, ne dénote pas de grandes qualités de chef, en tout cas un manque de courage certain.
Quel sera le suivant sur la liste des députés FN à démissionner du groupe ENL ? Nous avons notre petite idée mais nous laissons le temps faire son œuvre en rappelant tout de même qu’avec un groupe, au départ, de 45 députés de 9 nationalités, Marine Le Pen aurait pu faire autre chose que de la figuration, ou faire parler d’elle dans les media, au titre des faits divers et des malversations financières. Rendez-vous est pris en juin 2019 pour les prochaines élections européennes qui risquent de marquer un net recul du FN, surtout si une liste concurrente souverainiste se lance dans la bataille. Les électeurs veulent, à juste titre, des résultats. Jusqu’à présent, les électeurs souverainistes ou de droite nationale sont restés sur leur faim ; il est vrai que le parcours de Marine Le Pen lors de l’élection présidentielle de 2017 ne les a pas rassurés.
Olivier DESTOUCHES
[1] – Le groupe Europe des Nations et des Libertés existe depuis le 15 juin 2015 et comprend aujourd’hui 37 membres. Il est co-présidé par Nicolas Bay du FN et Marcel de Graaff du PVV hollandais de Geerts Wilders.
[2] – Aymeric Chauprade est l’auteur, entre autres ouvrages, de Géopolitique, constantes et changements dans l’histoire (Éd. Ellipses, 2007) qui fait autorité et Chronique du choc des civilisations (Éd. Chronique, dernière mise à jour 2015).