Le féminisme au bal des Tartuffe

Le féminisme apparaît comme une queue de comète des idéologies matérialiste et ses tartuffettes participent pleinement à la société fric et sexe.

Lu pour vous dans monde&vie.

Les intellectuels patentés avaient annoncé au lendemain de l’implosion du bloc soviétique la fin des idéologies. Miracle ! Le féminisme arrive à point nommé pour reprendre le flambeau du marxisme à l’agonie et le sauver en le réactualisant. La lutte des sexes est en passe, non pas de remplacer la lutte des classes, mais de devenir son aboutissement ultime, en concordance avec la pensée de Marx et de Engels. Dans L’Origine de la famille, de la propriété et de l’État, ce dernier écrivait que « dans la famille, l’homme est le bourgeois ; la femme joue le rôle du prolétariat ». Dans cette optique, l’affranchissement de la femme-prolétaire passait par la disparition du mariage monogamique et l’établissement d’une égalité entre l’homme et la femme « au point de les considérer comme interchangeables ». C’est le but auquel nous touchons avec la « théorie du genre» et la publicité faite aux «transgenres».
Faut-il parler d’une revanche du marxisme ? En partie, seulement ; car cette évolution de la société sert aussi les intérêts des élites libéralo-mondialistes qui promeuvent une conception individualiste et atomisée de la société, dont l’avènement en cours suppose l’anéantissement des communautés naturelles, à commencer par la famille. « L’homme nomade », idéal de Jacques Attali, se satisfait fort bien de la disparition des genres, étape de l’abolition des identités et des enracinements.
Paradoxalement, les accusatrices de la masculinité en viennent souvent à renier leur féminité, en particulier dans ce qu’elle a de plus caractéristique et de plus profond, la maternité, regardée aujourd’hui comme un obstacle à la sacro-sainte Égalité, moteur de la Révolution sous toutes ses formes — et il semble que les féministes, y compris dans leur volonté castratrice, n’aient pas de plus haute ambition que de devenir des hommes comme les autres… en se montrant parfois, dans leur volonté d’arriver, plus dures qu’eux, y compris avec les autres femmes.
Il ne tient pas au hasard que le féminisme ait d’abord accusé l’homme à travers la figure du père de famille. La paternité étant fragilisée, c’est aujourd’hui à la masculinité elle-même que les féministes donnent l’assaut — en particulier, au « mâle blanc », que prétendait discriminer, en octobre 2009, l’ancienne patronne féministe d’ Areva, Anne Lauver-geori. Les deux genres, masculin et féminin (ne parlons pas du « neutre ») ne sont donc plus complémentaires, mais réputés hostiles, par une moderne projection de la Genèse, qui avait vu Adam accuser Ève : « C’est la femme que tu as mise auprès de moi qui m’a donné de l’arbre… ». Notre société athée tombe dans le même piège diabolique, à cette différence près qu’à présent c’est Ève qui dénonce Adam. L’appel à la délation publique sur les réseaux sociaux fait de chaque homme un suspect, comme l’expliquait Alain Finkielkraut sur le plateau de l’émission Zemmour et Naulleau, le 15 novembre : «on nous apprend que chaque homme est un porc virtuel, puisqu’on nous dit «balance ton porc» ».

De la castration à la castorisation

La raison n’est plus de saison. Comme le dit encore Finkielkraut, « il y a des violences, des abus de pouvoir, des agressions absolument insupportables, mais nous assistons aussi à une extension démente du domaine du harcèlement, sur le modèle de ce qui se passe pour le racisme .(…) On veut mettre dans le même sac d’indignité des violences insupportables et des regards concupiscents ou des entrées en matière pataudes. Le dragueur qui est récusé devient tout à coup un harceleur. » Rares sont les femmes qui, comme la journaliste Natacha Polony, osent prendre publiquement à contre-pied l’idéologie, en racontant qu’un homme lui avait déclaré dans la rue : «Mademoiselle, vous êtes grave ravissante ! » et en commentant : « Eh bien, j’adore ! Je serais désespérée que, sous prétexte qu’on s’acharne là-dessus, ça n’existe plus, parce que ça fait partie du bonheur de l’existence. »
Parallèlement, les mêmes féministes qui ne supportent plus la «drague», persistent à se réclamer de la libération sexuelle de mai 68, les publicitaires continuent à déshabiller les femmes pour vendre du maquillage et les sites pornos sur Internet sont plus visités que jamais…
Cette tartufferie d’une société malade trouve son aboutissement dans le spectacle que donnent le gauche et l’extrême gauche: le député écologiste Baupin, qui se mettait du rouge à lèvres pour la journée du droit des femmes, est accusé d’agressions sexuelles ; l’ancien président du Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS), Thierry Marchal-Beck, est balancé comme un porc ; et l’on apprend que la « castorisation » des militantes (plaisante analogie avec l’animal qui « construit avec sa queue »…) était couramment pratiquée en guise d’initiation politique des militantes à l’Unef-ID, syndicat étudiant de gauche servant de courroie de transmission entre les groupuscules trotskistes et le parti socialiste —et qui se réclame du féminisme au point de rédiger ses tracts en écriture inclusive… Au fait, l’ex-ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol, ancienne de l’UNEF-ID, ne savait-elle rien de la « castorisation » ?
La gauche matérialiste, obnubilée par le fric et le sexe, est à l’image de la société qu’elle a, au moins culturellement, construite. Le rétablissement du respect dû aux femmes ne passe donc certainement pas par une idéologie féministe qui participe de la même logique, mais par une rupture sans équivoque avec le modèle soixante-huitard.

Eric Letty

monde&vie n°948 du 30 novembre 2017

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