Excellente analyse ! Loin des passions pro ou anti-cosaque, ce développement considère le réel des relations Europe-Russie, démystifiant le territoire des Tsars tout en précisant les techniques de communication, de ce grand pays qui connaît une nouvelle naissance nationale. Le cosaque sait être fort, mais aussi séducteur…
Lu dans L’Échelle des Valeurs :
LA RUSSIE À L’ASSAUT DE LA FRANCE
Les Russes ne sont pas plus nos ennemis que les Américains mais, comme les Américains, ils ont leurs intérêts. Comme les Américains à travers des réseaux mondialistes, les Russes cherchent à nous séduire et à nous influencer pour que nous, Européens, nous rallions à leurs priorités. Dans cette offensive de la Russie, les Français sont plus particulièrement visés car la France est la clé de voûte de l’Europe, par sa position géographique et culturelle, que l’Europe soit l’Union européenne ou une simple alliance politique de pays du même continent.
La Russie de Vladimir Poutine se sert d’une vieille ruse pour séduire : elle s’identifie à son interlocuteur. Face aux survivants idéologiques du communisme, elle rappelle qu’elle est l’héritière de l’URSS. Approchant des hommes de droite animés par des sentiments nationalistes, elle joue la carte patriotique. Mais devant des chrétiens de conviction, elle se fait soudain plus religieuse que le Pape, plus engagée que quiconque dans la protection des communautés chrétiennes à travers le monde.
Dans le fond, la Russie de Poutine ne triche qu’à moitié quand se fait ainsi caressante car elle est bien aujourd’hui de tout ça : fille de l’URSS, nationaliste et chrétienne. En même temps, cela engendre des contradictions que seul un régime autoritaire peut maîtriser et transformer en axes de séduction. Nombre de Français sont tombés à pieds joints dans le piège.
Ainsi, le 5 novembre 2008, nous avons assisté à un colloque qui se déroulait à la Sorbonne à l’initiative de l’Institut Périclès, un centre initié par Paul-Marie Coûteaux. Parmi les orateurs figurait Natalia Narochnitskaya, une ancienne députée de la Douma parlant parfaitement français qui a créé à Paris et à New York l’Institut pour la Démocratie et la Coopération. Cette institution a pour mission de « contrôler le respect des droits de l’homme dans le monde ». Mais pourquoi Paris et New York quand il y a tant à faire à Moscou ? Parce que Mme
Narochnitskaya a une autre mission sous couvert de droits de l’homme.
Elle plaide entre autres pour la rupture de l’alliance entre l’Europe et les États-Unis et l’entrée de la Russie dans l’Union européenne. Nous l’avons entendu clamer : « L’avenir de la Russie, c’est l’avenir de l’Europe ! » Elle est certes dans son rôle et sert ainsi les intérêts de son pays.
Mais que penser des propos tenus par Jean-Pierre Arrignon en conclusion du colloque ? Ce professeur à l’université d’Arras, spécialiste de la Russie, n’a peur de rien. Il a osé dire : « On reproche souvent à la Russie de compter d’anciens membres du KGB dans ses rangs. Mais qu’est-ce que le KGB sinon Sciences Po et l’ENA réunis ! C’est comme si je vous disais que Centrale est une agence de renseignement ! »
On en avait entendu de belles de la part du Parti communiste français quand il défendait bec et ongles la tyrannie de Moscou. Il est quand même étonnant de voir la même antienne reprise par des souverainistes. Car, faut-il savoir, la salle était bondée et tout le monde était branché sur la même thématique. Certes en prenant des précautions, bien connus des cercles souverainistes, Alain Corvez et Jean-Paul Bled ont pris la parole parlant dans le même sens. À cela on mesure le degré de pénétration de Poutine dans ces milieux.
Plus à droite, on connaît aujourd’hui les relations développées par le Front national avec la Russie. Ce rapprochement concerne aussi Les Républicains (LR). Ancien vice-président de l’UMP et député des Français de l’étranger, Thierry Mariani, par exemple, entretient lui aussi une relation de proximité avec la Russie de Poutine. Sa femme, épousée en 2005 n’y est peut-être pas pour rien. Cette Russe par la naissance s’appelle Irina Chaikhoullina. Mais la page ne suffirait pas à donner la liste des noms des Français séduits par Moscou.
À cela s’ajoute l’influence de médias en français actifs sur Internet. « Sputnik » est l’un d’eux. Véritable journal de réinterprétation de l’actualité, en matière de désinformation il est d’une qualité remarquable.
Dans cette mouvance médiatique, il convient aussi de citer le Réseau Voltaire. Fondé par la gauche militante, depuis le début des années 2000 il s’est installé à Beyrouth et s’est pris de passion pour les positions favorables à l’Iran et à la Russie. On remarque l’habile travail de Thierry Meyssan, son directeur : piochant sur Internet des bribes d’informations non confirmées ou transformant les conditionnels en certitudes, il réalise des dossiers convaincants pour des gens peu soucieux de la crédibilité des sources.
Avouons-le, Moscou a marqué des points en France… Pour le bien de la Russie et certainement pas pour le nôtre.
L’Échelle des Valeurs, n°168, octobre 2016