Cotignac et la mission divine de la France
« Cet ouvrage est de ceux qu’il faut déguster. Le contexte historique est bien campé, les personnages bien cernés, nous sommes dans l’histoire politique avec, certes, les calculs et stratégies qui vont avec, mais aussi dans les préoccupations du temps, celles de l’éternité. La France est un royaume dépendant de celui des cieux : elle doit en défendre les intérêts pour le bien de son peuple mais aussi en espérer les bienfaits. Sa lecture va vous faire découvrir tout ce qu’une foi confiante peut obtenir du Ciel, et les moyens que le Bon Dieu utilise pour nous avertir et nous guider : il en est ainsi de la Sainte Vierge qui demande toujours une chapelle ou une église pour que son peuple s’y rende en pèlerinages et des processions afin d’accorder ses grâces, des anges et des saints pour nous avertir, des inspirations de l’Esprit Saint pour nous guider.
Considérant cette époque, grâce à cette étude, on peut dire que la Providence « a pris les grands moyens » afin de confirmer sa dilection pour la fille aînée de son Église et lui donner la détermination d’être fidèle à sa mission. La merveille, c’est que ces moyens se trouvent concentrés à Cotignac : la Sainte Vierge, saint Joseph, saint Michel Archange, sainte Catherine et saint Bernard ! Et, comme à l’accoutumée, les confidents du Ciel, choisis comme messagers, sont toute simplicité et toute piété.
Il faut aussi observer que les plus grandes grâces demandent des sacrifices, des pénitences et de la persévérance à proportion – imaginons ce qu’a pu faire et endurer le frère Fiacre ! Regardons, de même, comme étaient bien disposés les esprits pour que tout se déroulât harmonieusement : le roi, la reine, la cour ; les éminences, les religieux, le peuple ! Oui, la Providence « a pris les grands moyens » pour sauver la France ! Gardons confiance car ce que notre Père a fait en ces temps… au jour qu’il jugera opportun… Rien ne lui est impossible. Et le bon saint Joseph est toujours prêt ! »
Michel DU TREMBLAY
«Il semble que le Ciel ait attendu la réunion de la Provence au royaume de France (1487) pour se manifester sur les collines de Cotignac. Moins de quarante ans plus tard, en 1519, sous le règne de François Ier, roi de France et comte de Provence, la Reine du Ciel, entourée d’une phalange de la milice céleste et tenant en ses bras l’Enfant Jésus, vint en quelque sorte prendre possession officielle de son fief et tenir sur le mont Verdaille sa cour et son premier conseil.
Au sud-ouest de Cotignac, à quelque vingt minutes de marche du village, s’élève le mont Verdaille qui doit son nom à l’abondance des chênes verts qui le couvraient autrefois. Ces arbres, typiques de la haute Provence, furent progressivement remplacés par des pins lorsque, au XIXe siècle, fut découverte la pâte à papier Le site apparaît aujourd’hui tellement modifié qu’il faut réinventer le décor, ou bien le retrouver en s’enfonçant dans la solitude des lieux préservés. »
« Les grillons de la nuit se sont tus et une cigale matinale essaie son premier chant. Le pas du bûcheron se fait plus lourd à mesure qu’il approche du sommet, et fait rouler quelques pierres déchaussées par la chaleur des heures brûlantes.
Parvenu sur le plat, Jean pose un instant son regard sur l’immense plaine de Carcès, qui s’étale plus bas, avec, en toile de fond, les massifs bleutés des Maures et de l’Esterel.
Dieu ! Qu’il est beau, qu’il est lumineux, le ciel de Provence ! D’un geste familier, il dépose sa hache et laisse glisser à terre sa besace et sa gourde, et puis, comme chaque matin, sur le terreau craquant, il se met à genoux, se recueille, élève son coeur vers le Créateur… Oh ! Ce petit dans le paysage grandiose, ce simple dans l’heure solennelle, cet obscur prostré dans la lumière. Ces laudes naïves avant la parole céleste ! Il faut se relever pourtant et se mettre au travail avant que le soleil ne darde des rayons trop brûlants. Paisiblement, Jean se redresse, et sa main déjà cherche la cognée… Or voici que, dans un tourbillon de lumière, apparaît la belle Dame qu’il a priée tout à l’heure ! Elle se tient debout, les pieds posés sur un croissant de lune, elle porte dans les bras l’Enfant Jésus. D’autres personnages l’entourent. Les yeux du bûcheron reconnaissent saint Michel, son armure et son épée étincellent au soleil ; voici sainte Catherine, et puis un moine à l’habit sombre, saint Bernard de Clairvaux (illustrations IV.1 et IV.2).
L’apparition évanouie, Jean de la Baume reste troublé, privé de certitude : Lou Solèu ? Mais il ne darde pas plus qu’hier ! La lassige ? Jean n’a que vingt-deux ans et ne connaît pas la fatigue. Alors, lou diable ? Mais cette joie, cet élan, et cette brûlure d’amour qui embrase encore son coeur ? Humble, prudent, il médite ces événements et décide de n’en souffler mot à personne.
Le lendemain, dans quelle émotion – on le devine – il gravit à nouveau le raidillon ! Les senteurs de Provence, la cigale, les pierres sur le chemin, voici le sommet. La hache, la besace, la gourde… La prière le jette à genoux, plus humble et plus fervent sans doute. Lorsqu’il se relève, le prodige de la veille se renouvelle. Cette fois, la Vierge Marie s’adresse au bûcheron :
« Je suis la Vierge Marie. Allez dire au clergé et aux consuls de Cotignac de me bâtir ici-même une église, sous le vocable de Notre-Dame de Grâces, et qu’on y vienne en procession pour recevoir les grâces que je veux y répandre. »
Alors, Jean de la Baume, l’inquiet, le pusillanime d’hier, dévale le chemin, passe le pont de la Cassole et se précipite, haletant, sur la place du village où quelques bons vieux sont assemblés.
La suite s’imagine sans peine :
— Eh, Jean ! Pourquoi t’en reviens-tu si vite de là haut
?
— J’ai vu, dans la lumière… » […]