Lu pour vous ce matin dans Présent :
Apportant ses munitions à une salutaire révolte de la féminité face au rouleau compresseur féministe, Gabrielle Cluzel signe un essai énergique à partager autour de soi comme un manifeste de bon sens pour les couples solides d’aujourd’hui… et de demain.
— Parlez-nous un peu du «féminisme Marie-Claire », synthèse du libéralisme marchand et de l’esprit libertaire auquel vous vous attaquez. Serait-il plus dangereux que le féminisme Najat ?
— On peut dire d’une certaine façon, en effet, qu’il est plus dangereux, parce que plus insidieux. La superficialité du contenu éteint les préventions. On sait Najat socialiste et idéologue, on s’en méfie. On juge Marie-Claire stupide, et on baisse la garde. La vérité est que Marie-Claire sert de marchepied à Najat en lui ouvrant ses colonnes avec complaisance, en « vendant » dans ses pages glacées le prêt-à-penser du moment comme le prêt-à-porter de la saison. Et c’est parce que Najat le sait qu’elle n’attaque jamais cette presse. Anachronique, à l’heure de la mixité érigée en dogme de foi, pourquoi une presse réservée aux femmes ? Infantilisante : grandes illustrations, gros caractères, couleurs acidulées… les femmes n’auraient-elles jamais dépassé les niveaux de lecture du Cours préparatoire ? Avilissante que dire de ces fillettes à peine pubères que l’on met en couverture dans des poses lascives ? Abêtissante, avec ses débats qui se cantonnent à la texture du rouge à lèvres: « Plutôt pailletée ou plutôt mate? La controverse fait rage. »
— Finalement, de Simone de Beauvoir à Nabilla, il y aurait filiation? Ou au moins lien de cause à effet?
— Filiation, je ne sais pas… ou alors le gène de l’intelligence est vraiment récessif ! Simone de Beauvoir, c’est certain, a fait le lit de Nabilla. Par son « On ne naît pas femme, on le devient », elle a contribué à ériger un modèle féminin artificiel, narcissique, déraciné, acculturé, auquel on dénie le droit de penser parce qu’il pourrait, avec un minimum de jugeote, mettre à bas les ubuesques constructions féministes qui ne résistent pas à l’épreuve des faits.
— Si vous achevez sans inutiles précautions le « faux féminisme », vous n’évoquez pas la discrète dissidence qui naît. Celle de jeunes couples qui reviennent à la complémentarité homme-femme, les foyers archéo-futuristes d’aujourd’hui?
—Je ne sais pas trop ce que serait un « foyer archéo-futuriste » type. Mais heureusement, il y a toujours eu, me semble-t-il, une résistance du bon sens dans un certain nombre de familles. Aujourd’hui, les incohérences du féminisme sautent aux yeux de beaucoup car elles viennent se fracasser contre les réalités: réalité sanitaire (avec les dangers que fait courir la pilule par exemple, réalité sécuritaire (avec le laxisme judiciaire et la montée de l’islam dont les femmes sont les premières victimes), réalité identitaire (avec les atteintes que représentent le « genre », la GPA… pour ne citer que celles-là). Nombre de jeunes femmes aspirent donc confusément à s’écarter de ces rails imposés.
— On voit difficilement comment une femme qui a peur dans la rue au quotidien pourrait être une femme libre. Le vrai féminisme ne passe-t-il pas par une revirilisation des pères, des frères et des maris?
— Bien sûr ! Nécessairement, la « déféminisation » est allée de pair avec une « dévirilisation », pour que l’homme et la femme se confondent en cet être hermaphrodite que l’on voit évoluer sur certains podiums lors des défilés de mode, et qui n’est sans doute par pour rien dans la radicalisation de certains musulmans sous nos latitudes, réponse caricaturée et mortifère à cette « asexualisation » occidentale.
Vous parlez de la femme qui a peur dans la rue… Il est évident que l’égalité des sexes ne se conçoit véritablement que sur le plan intellectuel et spirituel. Aucune féministe n’a jamais réclamé que l’on mêle hommes et femmes pour les matchs de boxe ou les compétitions de rugby, car celles-ci y seraient évidemment perdantes. La femme ne peut donc s’épanouir que dans une société qui lui offre la sécurité physique. La France, par son laxisme judiciaire, par l’ouverture à tous vents de ses frontières, par sa démagogie en milieu scolaire, bref par son retour à la loi de la jungle, rend la femme vulnérable, lui fait perdre ses « acquis ».
— Le féminisme comme « libération forcée » semble à bout de souffle. Les Costanza Miriano et Gabrielle Cluzel auraient-elles gagné ? Le féminisme ressemblant de plus en plus à son frère jumeau antiraciste, c’est-à-dire à l’idéologie d’une caste que le réel démolit tous les jours?
— En effet, l’utopie féministe, comme l’idéologie antiraciste, est un luxe de société riche et en paix. À quelque chose malheur étant bon, les dangers extrêmes que l’on voit poindre actuellement au-dessus de nos têtes forceront sans doute, par un retour brutal à la réalité, à cette revalorisation de la virilité dont vous parlez. Je cite dans mon livre l’exemple du Bataclan : la presse rapporte plusieurs vrais actes de courage viril, a parlé de tel homme qui a fait rempart de son corps — réflexe archaïque ? — pour protéger une femme que le hasard avait placée à côté de lui, de tel autre qui a risqué sa vie pour sauver celle d’une jeune mère, suspendue dans le vide. Nul n’a dénoncé leur « sexisme bienveillant », surtout pas les intéressées. Alors oui, ce féminisme est en train de se démonétiser, de mourir de ses contradictions et de ses lâchetés, et c’est une excellente nouvelle ! Reste qu’il a durablement fragilisé la condition féminine et que les femmes risquent d’en payer longtemps les conséquences.