Oui les réformes fiscales, sociales y compris celles concernant les étrangers, les questions religieuses, scolaires, écologiques… vont déranger. Comme la pilule sera un peu grosse à avaler, pas seulement pour les « fachos-populistes-patriotes, cathos, pro-familles, etc. », le gouvernement compte sur l’audiovisuel et en première ligne celui qui dépend de lui, l’audiovisuel public [1]. Afin de préparer « les acteurs du secteur », tout en faisant diversion, le président de la République n’a pas joué la séduction. Il a vitupéré dès le mois de décembre dernier contre l’audiovisuel. Les versions divergent mais le sens général est le même.
Selon L’Express, s’adressant aux membres LR et LREM de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, il aurait pesté contre « la honte de la République ». Dieu sait si elle en a pourtant beaucoup vu. Selon Télérama (du groupe Le Monde depuis 2003) cela donne : « L’audiovisuel public, c’est une honte pour tous nos concitoyens, c’est une honte en termes de gouvernance, c’est une honte en ce que j’ai pu voir ces dernières semaines de l’attitude de ses dirigeants ». En gros, il s’en prenait à la mauvaise gestion, au gaspillage, à la médiocrité des programmes et des contenus, aux relations « malsaines » entre l’audiovisuel et ses partenaires extérieurs…
Selon L’Express, il reprochait à Radio France et France Télévisions d’ « éduquer des gens qui sont loin de la culture… qui ne vont jamais regarder ni Arte ni une chaîne de télévision publique… ». La CGT a un regard plus dialectique. Elle estime que « cette stratégie du dénigrement s’inscrit dans une volonté affirmée de saccage économique et de reprise en main politique de l’audiovisuel public ». La présidente de la commission de la culture etc. a souhaité « davantage de mutualisation ».
Tous ces échanges furent faits alors que Mme Ernotte venait d’être désavouée par une motion de déviance après avoir supprimé deux émissions populaires. Il faut aussi prendre en compte dans ce charivari, les 50 millions d’euros d’économies supplémentaires exigées par le gouvernement en 2018. Sans oublier que, dans les propositions du comité Action publique 2022, a été projetée la suppression de France O et le rapprochement de France Télévisions et de Radio France dans un ensemble unique. Toutefois, la proposition de Frank Riester, député de la « droite constructive » de créer une BBC « à la française » n’avait pas été retenue.
L’Europe impose là aussi sa vision de la culture et de l’information
Des rumeurs répétées signalent que ces bouleversements pourraient être intégrés dans les plans européens en matière d’audiovisuel. Oui, l’Europe impose là aussi sa vision de la culture et de l’information. Il est en effet question de transposer dans une loi (française) la directive européenne sur les services de « médias audiovisuels » au second semestre 2018 ou en 2019.
Non seulement le gouvernement – qui réclame « plus d’Europe » –, pourrait en profiter pour intégrer les « rapprochements-suppressions » évoqués ci-dessus mais aussi pour faire passer un de ses souhaits, soit retirer au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) son pouvoir de nomination des présidents de l’audiovisuel public… pour le confier aux conseils d’administration des entreprises concernées. Du reste, M. Macron avait aussi donné son avis à Télérama en tranchant : « Le modèle du CSA est caduc ». Oui, en soutenant les directives de l’Union européenne, il va confirmer sa qualité de politicien européen et se positionne. On peut y voir un appel du pied. La présidence du « vieux continent » n’est-elle pas le destin dont il rêve ?
Pierre ROMAIN et Michel LEBLANC
[1] – L’audiovisuel public, c’est 18 000 employés à temps plein et près de 4 milliards d’euros de ressources publiques.