La France qui se mobilise, toutes tendances confondues, tous partis politiques liés, pour rendre hommage au lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, n’a-t-elle pas été suffisamment trompée, abusée, pour chanter encore des hymnes sans reconnaître la main qui les orchestre ? Pour entonner des cantiques sans discerner les autels vers lesquels on les fait s’élever ? La substitution d’un mot, en faveur d’un autre martelé dans de nombreux discours, devrait nous alerter, je veux parler du mot « France » et de son ersatz, « République ».
Les deux termes ne sont pas interchangeables, ils ne sont pas synonymes, et l’emploi inapproprié du vocable « République » induit une confusion pernicieuse : une nation désigne l’union de personnes liées par leur appartenance à un même sol, à une même histoire, à une même culture, et appelées, comme l’affirmait le pape Pie XII, à une même vocation. Une république, système de gouvernement, en l’occurrence démocratique et électif, est d’un autre ordre, et repose sur une idéologie ondulante et changeante, privée de références transcendantales, immuables. Est-ce la fin de la « douce France » ?
Arnaud Beltrame n’est pas mort pour la République !
Le 28 avril, lors de la retransmission sur France 2 de l’hommage rendu aux Invalides, l’historien Fabrice d’Almeida inaugure l’expression « pédagogie républicaine » ; Maryse Burgot qui commente les images pour la même chaîne, parle de l’ hommage rendu « à ce héros de la République ». Le député de l’Essonne, Manuel Valls, se fait rassembleur : « C’est toute la République qui salue le courage, qui salue l’héroïsme d’Arnaud Beltrame, dans une forme d’union nationale ». La veille, à l’Assemblée nationale, le Premier ministre, Édouard Philippe, faisait du lieutenant-colonel Beltrame la figure emblématique de la République, qu’il revêtait somptueusement des mérites du héros : « il incarne la République, il est son image, il est son corps ». L’habit est trop grand, l’étoffe trop noble. « C’est moi qui suis Guillot, berger de ce troupeau », s’esclafferait La Fontaine.
Le président Emmanuel Macron, quant à lui – est-il sincère ou bien à l’aise pour jongler avec les mots volés aux valeurs françaises ? Prudence ! – Emmanuel Macron tient des propos empreints de grandeur. Mais il a tout de même une façon surprenante de faire surgir sainte Jeanne d’Arc d’un passé désert, épuré justement de ceux qui ont combattu les Maures et leur ont fait repasser les frontières, comme elle-même bouterait les Anglais hors de France. « Jeanne », par qui Dieu sauva le royaume de France, est mise à l’honneur pour avoir mené le même combat que le fondateur de la Ve République : « ce pour quoi la France toujours s’est battue, de Jeanne d’Arc au général De Gaulle » ! Dans ce discours, la République n’est pas oubliée, et s’insinue dans les expressions « la liberté française, la fraternité française »… « nos libertés et nos solidarités »… Le président conclut superbement : « Votre sacrifice, Arnaud Beltrame, nous oblige ». Ce sacrifice « nous oblige », nous en sommes d’accord, mais à dénoncer l’imposture qui utilise l’événement pour rassembler les Français autour d’un mot-clé : « la République », afin d’attribuer à celle-ci les valeurs qui ont inspiré le courage d’un héros chrétien de France.
Le père Jean-Baptiste, chanoine régulier de la Mère de Dieu à l’abbaye de Lagrasse, qui le préparait depuis deux ans à son mariage religieux, apporte un témoignage fiable, lui qui connaît l’intime de cette belle âme, ce à quoi ne sauraient prétendre les républicains et politiciens maçonniques. Il rapporte son acte de bravoure à son idéal de militaire, de Français, de chrétien : « Passionné par la gendarmerie, il nourrit depuis toujours une passion pour la France, sa grandeur, son histoire, ses racines chrétiennes qu’il a redécouvertes avec sa conversion […] Je crois que seule une foi chrétienne animée par la charité pouvait lui demander ce sacrifice surhumain. » Il cite aussi « son adhésion inconditionnelle et fervente à toute la foi catholique et à sa tradition ». Marielle, qu’Arnaud devait épouser religieusement le 9 juin prochain, confirme : « On ne peut comprendre son sacrifice si on le sépare de sa foi personnelle. C’est le geste d’un gendarme et le geste d’un chrétien ». [1]
[1] – Madame Nicole Beltrame contredit leur témoignage, et n’accorde pas au geste d’Arnaud la dimension d’un sacrifice. Mais son fils Cédric, frère d’Arnaud, assure au micro de RTL : « Il a donné sa vie pour quelqu’un d’autre. Il savait certainement qu’il n’avait pratiquement aucune chance ».
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