Fécondation in vitro, GPA et PMA, intelligence artificielle, transhumanisme,… Après le nouvel homme façon 1789, des scientifiques idéologues projettent dans leurs laboratoires l’homme artificiel aux pouvoirs décuplés et rêvent de l’immortalité de leurs créatures aux antipodes de l’ordre naturel voulu par Dieu.
Retour sur cette ultime transgression à la fois prométhéenne et des plus mercantiles que le législateur semble prêt à banaliser par le biais de la loi.
Lu pour vous dans L’Homme Nouveau
Le projet transhumaniste peut se résumer assez simplement : il s’agit de nous faire passer du stade de H à H +. Ce H + est d’ailleurs le logo de l’Université de la Singularité, société privée implantée dans la Silicon Valley et centre de recherches et d’expérimentations sur le transhumanisme. Ce concept de singularité désigne le moment où les ordinateurs dépasseront l’intelligence de l’homme. Nous sommes actuellement des H, les H + sont les hommes augmentés. Quelle est la différence ? Un exemple simple : nos oreilles entendent les sons entre deux fréquences. Des appareils auditifs permettant d’entendre les ultrasons per-çus seulement par les chiens vont être commercialisés. À partir de recherches de la DARPA («Agence pour les projets de recherche avancée de défense» du ministère de la Défense américain), des prothèses articulées remplaçant les membres perdus par les soldats durant les différentes guerres ont été mises au point. Elles sont commandées par le cerveau et permettent de marcher durant des centaines de kilomètres. Il est légitime de les implanter. Mais il semble hautement immoral de se faire couper les jambes pour permettre ce genre d’exploits physiques.
Est-il normal d’implanter Google dans la tête des hommes ? Nous sommes face à une idéologie pure déguisée en agneau. L’homme artificiel a deux « entrées » : l’implantation, après numérisation, du cerveau humain sur des ordinateurs ou des machines comme les robots. Mais aussi, toujours par l’informatique, donner aux robots des capacités humaines puis surhumaines. Telle est l’intelligence artificielle que je dénonce depuis dix ans et qui amène à la disparition de notre espèce. D’où la fameuse phrase de Stephen Hawking, le plus grand savant de notre temps : « Les formes primitives d’intelligence artificielle que nous avons déjà se sont montrées très utiles. Mais je pense que le développement d’une intelligence artificielle complète pourrait mettre fin à l’espèce humaine. » Il ajoutera plus tard que la greffe d’un ordinateur dans le cerveau « sera le plus grand évènement de l’histoire de l’humanité ; mais ce sera probablement le dernier ». D’ où le titre de mon dernier ouvrage, La fin de l’espèce humaine.
DE L’UTÉRUS À L’ÉPROUVETTE
Mais, avant d’atteindre le stade de l’intelligence artificielle complète, nous verrons à plus ou moins long terme celui de l’homme artificiel, c’est-à-dire un homme fabriqué intégralement en laboratoire à partir de gamètes elles aussi produites artificiellement.
Aujourd’hui, déjà, la technique de vitrification (qui consiste en fait à refroidir) des ovocytes et des embryons a fait grimper les taux de réussite des fécondations in vitro, notamment parce qu’elle donne des résultats plus satisfaisants pour l’implantation des embryons dans l’utérus de la mère. On pourrait évoquer également le « spermbot », sorte d’hélice en forme de ressort guidée par un champ électromagnétique pour aller se fixer sur le flagelle (la queue) du spermatozoïde. Ce robot dynamise le tropisme qu’a ce dernier vers l’ovule. La fécondation peut alors se faire in vivo par les voies naturelles ou in vitro, c’est-à-dire en dehors des voies génitales de la femme.
Le chercheur japonais Shinya Yamanaka a annoncé en 2006 avoir réussi à développer en lignées les cellules de peau qui servent à l’horripilation (relèvement des poils quand on a peur ou froid) et à les transformer afin qu’elles deviennent totipotentes, c’est-à-dire implantables dans n’importe quel organe. Par là, il met pratiquement fin à l’utilisation de cellules souches prélevées sur les embryons. Il aura d’ailleurs cette phrase magnifique : « Quand je regarde un embryon, je ne peux pas m’empêcher de voir le visage de mes filles ». En 2012, il reçoit le Prix Nobel de médecine. Mais le lendemain, un autre universitaire japonais, Michinori Saito, annonçait avoir transformé les cellules de Yamanaka en ovules et spermatozoïdes («gamètes» en médecine) ; l’exploit sera renouvelé ensuite par une société française du nom de Kallistem… Le stade suivant se nomme l’ectogénèse, qui est le développement d’un mammifère hors du sein maternel. Elle consiste à faire une fécondation in vitro et à développer l’embryon dans un utérus artificiel jusqu’à ce qu’il soit récupérable par la néonatologie, c’est-à-dire la science du développement des prématurés. Il va de soi que la tentation des scientifiques sera de faire franchir à l’homme ce pas en matière de procréation. Ce dernier mot signifie « créer à la place de » et, en l’occurrence, à l’écart de l’ordre naturel voulu par Dieu.
ENTRE MÉDECINE ET TECHNIQUE
Concrètement, en l’état actuel des recherches, il est possible de se passer de la mère pendant les 13 premiers jours de la grossesse par la fécondation in vitro (FIV) puis à partir de la 24e semaine de grossesse par les techniques de prise en charge des enfants prématurés. Helen Hung-Ching Liu, de l’Université de Cornell (USA), a réussi à développer dans un utérus artificiel une souris par ectogénèse. Chez l’homme elle était réussie jusqu’à 13 jours. En effet, en mai 2016, Anna Huppalowska, de l’Université de Cambridge, a réussi à développer en laboratoire des embryons jusqu’à 13 jours. Elle n’a pas voulu aller au-delà dans la mesure où la loi de la plupart des pays occidentaux interdit d’aller au-delà de 14 jours. À l’autre bout de la chaîne, la limite de succès afférent à la prise en charge des prématurés est de 24 semaines. En fait, actuellement, le problème majeur de l’ectogénèse est qu’il faut réussir à mettre des enfants au monde en bonne santé. La perspective d’un homme intégralement fabriqué en laboratoire fait frémir, elle nous met aussi en face de l’une des questions souvent posées par la médecine actuelle : où se situe la limite entre médecine de soin et technique de convenance ? Faudrait-il, par exemple, condamner la prise en charge extra-utérine de plus en plus précoce des enfants prématurés, au nom du refus du transhumanisme ?
Un embryon se développe, devient fœtus non viable, puis un prématuré que l’on met en couveuse. C’est un humain vivant qui a le droit de vivre. Il a un patrimoine génétique qui vient de son père et de sa mère. À l’inverse, et c’est là que se situe la limite, ce que veulent — entre autres — les transhumanistes, c’est couper le lien social entre un être humain développé hors du sein maternel et ses origines génétiques apportées par ses parents (comme dans la GPA). On trouve cette idée dans le premier chapitre du célèbre et prophétique livre Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley. Il est d’ailleurs intéressant de noter au passage que la prématurité avait disparu il y a quarante ans… Elle est revenue massivement avec l’avortement qui entraîne des lésions du col de l’utérus ainsi qu’avec les grossesses multiples liées à l’implantation de plusieurs embryons pour la Procréation médicalement assistée (PMA) !
ÉRADIQUER LA MALADIE… OU LES MALADES ?
Actuellement, en médecine — et spécialement en cancérologie —, les praticiens se servent couramment de la génomique (connaissance des gènes) pour faire des diagnostics, instituer des traitements, voire même les différer. L’idée des transhumanistes est d’éradiquer toutes les maladies afin d’obtenir un homme parfait. J’ai écrit trois ouvrages pour dénoncer cette volonté prométhéenne dont ceux qui relèvent de cette idéologie nous disent qu’elle mène à L’homme artificiel. Tel est le titre d’un ouvrage que j’avais écrit il y a dix ans ; une réflexion se réalisant, hélas, progressivement dans les faits.
La procréation artificielle ne permet pas d’éradiquer les maladies, contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire ; elle permet de faire une analyse génétique qui aboutira à la destruction de l’embryon en cas de découverte d’une anomalie. Il y a là une perspective purement eugénique de tri embryonnaire afin de créer une espèce parfaite, les «Übermenschen», les surhommes de Nietzsche et de Hitler. Mais nous y sommes déjà. Le diagnostic de la trisomie par une simple prise de sang aboutit à l’élimination par l’avortement de 100 % des trisomiques. Les techniques précédentes éliminaient déjà 93 % d’entre eux. Certains pays autorisent même l’élimination des enfants qui sont d’un sexe non souhaité. Il va de soi que les catégories de filtrage s’élargissent déjà notamment par l’étude de l’ADN de l’enfant circulant dans le sang de la femme enceinte. On tuera et on tue déjà sur de simples potentialités d’apparition de maladies comme le diabète, le cancer du sein, l’infarctus du myocarde. Puis, comme dit Boris Vian, « on tuera tous les affreux ». Un rêve ? Pas du tout. À partir de l’ADN trouvé sur le crâne d’Henri IV et de l’homme de Cro-Magnon, il a été possible de reconstituer le visage de ces personnages. L’étude ADN des spermatozoïdes permet de faire un portrait-robot d’un futur enfant. Précisément à cause des théories de Hitler, toute forme d’eugénisme est interdite en France par le Code civil (art. 164) et le Code pénal (art. 214-1). Or nous y sommes jusqu’au cou. Nos législateurs sont des incohérents, pour ne pas dire plus.
SERONS-NOUS ENCORE DES HOMMES ?
Le transhumanisme prétend soigner toutes les maladies et nous mener à l’immortalité. Il est facile de comprendre que dans des circonstances pareilles, notre monde deviendra une immense maison de retraite. Que faire ? Tout simplement transformer les cerveaux des hommes en les numérisant et en les rassemblant dans un ordinateur. Finis, le beaujolais et le parfum des fleurs ! Une question s’impose évidemment à nous : serons-nous encore des hommes lorsque nous serons fabriqués en laboratoire ?
Il va de soi qu’un homme créé avec un potentiel génétique humain, ne peut être que doué d’une âme au sens chrétien du mot ; même s’il est né par fécondation in vitro et par ectogenèse. Ce ne peut être autre chose. En revanche il est déjà possible de mettre dans le cerveau des microprocesseurs pour stimuler des zones déterminées par l’IRM. 40 000 dispositifs de cette nature ont été implantés en France (maladie de Parkinson, dépression, tristesse chronique, etc.) Les nanobots sont des ordinateurs minuscules, gros comme des globules rouges. Il est possible de les injecter par une piqûre à l’insu de quiconque. Ils peuvent alors se fixer sur les organes pour, par exemple, déposer un produit en un endroit précis ou détruire un cancer ; d’où leur intérêt en médecine. Cependant, tout matériel informatique peut être pris en charge par un autre matériel informatique. Cela a été le cas de 80 de nos hôpitaux qui ont été piratés. Mais cela peut aussi concerner les pacemakers ou même nos voitures. C’est le hackage qui, à terme, peut nous transformer en robots. Alors nous ne serons plus des humains libres comme Dieu l’a voulu dans la Genèse.
Jean-Pierre Dickès
L’Homme Nouveau n°1642 du 1er juillet 2017