Convoquer le Parlement en congrès est un acte rare et solennel, tout comme le cadre, Versailles, on ne dérange pas la résidence de feu le Roi soleil pour un oui ou pour un non.
Lu pour vous dans Présent
Le chef de l’Etat a pourtant décidé que, lundi, députés et sénateurs seraient rassemblés autour de lui. Pourquoi ? A-t-il quelques modifications constitutionnelles à leur faire adopter ? Nullement. Y a-t-il, comme lors des attentats du 13 novembre 2015, la nécessité de manifester l’union de la représentation nationale face à la terreur islamique ou quelque autre tragédie ? Pas davantage.
Alors, quoi ? On ne sait pas exactement. On a cru comprendre qu’il veut leur parler de l’avenir. Pourquoi pas ? Mais fallait-il un cadre si majestueux pour cela ? Dans « majestueux », il y a majesté, et Macron, sous les ors de l’ancienne résidence royale, entend montrer qu’il règne et ne saurait donc s’adresser autrement qu’avec cette solennité à la représentation nationale, et, à travers elle, au pays. Certes, son Premier ministre, le lendemain, doit effectuer son discours de politique générale, devant la seule Assemblée nationale, mais cela ne pose pas de problème pour le président. Il n’y aura pas doublon, assure-t-on à l’Elysée, c’est une répartition des tâches hiérarchisée : au chef de l’Etat la vision prospective, au Premier ministre l’exécution, l’intendance au quotidien, c’est un simple collaborateur, comme le disait Sarkozy de Fillon. On peut d’ailleurs se demander s’il n’a pas choisi l’obscur et terne Edouard Philippe, bien connu seulement des Havrais, à cause de son manque manifeste de charisme, étant sûr ainsi qu’il ne lui fera pas d’ombre, ce qui n’eût pas été le cas avec un Bayrou à Matignon ou même une NKM.
Il n’y aura pas de débat, ni d’autre intervention que celle du chef de l’Etat. Les élus de la nation sont priés d’écouter et de se taire. Ils feront partie du décor, comme les meubles. Emmanuel Macron ne cherche ni approbation ni désapprobation mais un miroir, celui de sa puissance. Narcissisme ? Mégalomanie ? C’est un congrès à sa gloire. On ne s’en est pas alarmé, peut-être a-t-on eu tort, quand, lors de sa campagne, il a évoqué sa présidence jupitérienne et la dimension « mystique » puis « christique » de la politique. Les Grecs auraient parlé d’hubris, de démesure.
Il a gagné, il a franchi tous les obstacles, fait reculer tous ses adversaires alors que son parti n’existe que depuis un peu plus d’un an. Il croit qu’il peut continuer et qu’il volera ainsi de victoire en victoire en mettant en scène et son pouvoir et son ego. Il semblait être proche des gens et voilà qu’il se retire sur l’Aventin élyséen, sa parole est désormais rare pour le peuple d’en bas qui ne peut le voir qu’à la une de la presse people au bras de son épouse ou jouant au tennis en fauteuil roulant, ou alors avec les grands de ce monde.
Par sa jeunesse, sa fougue, son volontarisme, on l’a comparé aussi à Napoléon, qui, on le sait, après tant de triomphes a connu l’échec et l’exil. Que Macron n’oublie donc pas dans l’ivresse de la victoire que Waterloo a succédé à Austerlitz !
Guy Rouvrais
Présent n°8893 du 1er juillet 2017