Entretien revigorant accordé au Figaro Magazine (29 décembre 2017) par l’écrivain américain Tom Wolfe à propos du politiquement correct dont il analyse avec justesse l’évolution.
Lu pour vous dans Faits& Documents.
Depuis la parution en 1970 dans le New York Magazine de Radical Chic (Les Gauchistes de Parc avenue) : « Je décrivais une soirée organisée, le 14 janvier précédent, par le compositeur Leonard Bernstein dans son duplex new-yorkais de treize pièces avec terrasse. La fête avait pour objet de lever des fonds en faveur des Black Panthers…
Le politiquement correct, que je surnomme PC, pour « police de la pensée », est né de l’idée marxiste que tout ce qui sépare les êtes humains doit être banni pour éviter la domination d’un groupe social sur un autre. Par la suite, ironiquement, le politiquement correct est devenu l’instrument des « classes dominantes », l’idée d’une conduite appropriée pour mieux masquer la « domination sociale » et se donner bonne conscience.
Peu à peu, le politiquement correct est même devenu un marqueur de cette « domination » et un instrument de contrôle social, une manière de se distinguer des « ploucs » et de les censurer, de délégitimer leur vision du monde au nom de la morale.
Les gens doivent désormais faire attention à ce qu’ils disent. C’est de pire en pire, en particulier dans les universités. La force de Donald Trump, c’est sans doute d’avoir rompu cette chape de plomb. […]
À travers Radical Chic, je décrivais l’émergence de ce qu’on appellerait aujourd’hui « gauche caviar » ou le « progressisme de limousine », c’est-à-dire une gauche qui s’est largement affranchie de toute empathie pour la classe ouvrière américaine. Une gauche qui adore l’art contemporain, s’identifie à des causes exotiques et à la souffrance des minorités, mais méprise les « rednecks de l’Ohio ».
Faits& Documents n°445 du 15 janvier 2018