Lu pour vous dans Le Matin:
Le professeur pris en photo avec un paquet de « Nasi-goreng » à Auschwitz, en 2011, n’a toujours pas retrouvé de travail. (…) En voyage de formation continue à Auschwitz, en 2011, ce prof vaudois avait fait scandale en posant, tout sourire, devant l’entrée du camp de la mort, un emballage de « nasi goreng » en main.
Un jeu de mots qui s’inscrivait dans une suite de provocations du même acabit, de la part de ce trentenaire qui tentait alors de percer en politique. Congédié dans la foulée par L’État de Vaud, le Lausannois effectue depuis une traversée du désert qui semble ne jamais devoir s’arrêter. Non content de cumuler les lettres de refus, il possède même sa « spécialité » : trouver une place dans un établissement public ou privé, donner satisfaction et… se faire virer séance tenante une fois son passé découvert sur le Web.
Vécu à quatre reprises en 2012, ce scénario a encore eu lieu le mois dernier, dans le canton de Fribourg cette fois. Dans une lettre, le conseiller D’État chargé de l’instruction publique (DICS Jean-Pierre Siggen, lui indique clairement que, « suite à une réaction de parent, une analyse approfondie de l’historique de (son) dossier a montré des difficultés de diverses natures » peu tolérables pour ses services. Doit-on payer à tout jamais pour une blague navrante ? Conseillère scientifique du DICS, Marianne Meyer tempère. Selon elle, l’affaire du « na goreng » n’est pas seule en cause. Une photo nue sur Facebook (ndlr : une parodie d’une affiche du Montreux Jazz) ainsi qu’un cliché aux côtés de Dieudonné auraient aggravé sa situation. « La mission de l’école ne consiste pas seulement à former les élèves mais aussi à les éduquer. Afin qu’ils puissent apprendre les règles de la vie en communauté, ils doivent pouvoir compter sur des adultes (…) capables de les accompagner et les encourager dans leur apprentissage et, d’autre part, de leur montrer les limites à ne pas franchir », précise Marianne Meyer.
Yves Froidevaux, secrétaire général de la Société pédagogique vaudoise, n’est pas loin de penser pareil. Pour lui, le métier d’enseignant fait partie de ceux, sensibles, « où le droit à l’oubli n’est pas total » dans la mesure où le prof doit représenter un modèle. Si une deuxième chance doit exister, il comprend que des employeurs « se posent des questions » à l’idée d’engager une personne si celle-ci a cumulé les dérapages par le passé. « Il y a un droit à l’oubli pour les gens qui sortent de prison mais pas pour moi, malgré un casier judiciaire vierge », déplore Bernard Junod.
Dans l’incapacité d’exercer son métier et sans chômage depuis belle lurette, il vivote en alternant les petits boulots et les séjours dans des pays pauvres comme la Moldavie ou le Costa Rica. Une errance existentielle qui, jure-t-il, lui a servi de leçon. « Il y a cinq ans, j’étais un provocateur. Je pensais que rien ne pouvait m’arriver parce que les gens comprenaient mon humour, même si je n’ai jamais plaisanté sur ces thèmes en classe. » A 38 ans, l’ex-prof partira une nouvelle fois vivre à moindres frais à l’étranger, en Chine, si sa situation n’évolue toujours pas d’ici à la fin de l’année. Il y fêterait alors les cinq ans d’une blague qu’il aurait préféré ne jamais faire. [Il sert d’épouvantail pédagogique pour ses ex-collègues…]