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La montée du « populisme » en Europe – Entretien avec Bruno Gollnisch

ByOlivier Destouches

Jan 18, 2023
La montée du « populisme » – Entretien avec Bruno Gollnisch

Lectures Françaises : Depuis quelques années, les media et la classe politique parlent de populisme, de partis populistes. Pouvez-vous dire à nos lecteurs ce qu’il faut entendre par populisme ? Y voyez-vous une signification péjorative ou malveillante comme l’est le qualificatif d’extrême droite ?

Bruno Gollnisch : L’intention malveillante est en effet évidente. A priori, qu’entend-on par populisme ? Des formations politiques qui cherchent à répondre aux attentes du peuple ? Quoi de plus légitime ? Mais les représentants des élites installées sous-entendent que ces mouvements se livreraient à je ne sais quelle démagogie, flattant ainsi les bas instincts du peuple. Ils utilisent donc ce qualificatif de « populistes » avec un mélange de mépris et de dégoût. Cela étant, ils ne se rendent pas compte que de ce fait ils avouent implicitement que, pour leur part, ils se sont coupés des peuples – ou en tout cas d’une grande partie des peuples – qu’ils avaient pour mission de servir, de défendre, et de protéger. Je pense par conséquent qu’il ne faut pas craindre de le souligner, et de retourner contre eux ce qualificatif prétendu infamant. Cela me fait penser à une autre injure politique naguère abondamment utilisée par la gauche et l’extrême gauche : le mot réactionnaire pour qualifier leurs adversaires. J’avais pour ma part tenté de réhabiliter ce mot en le reprenant à mon compte par défi : j’ai écrit un petit ouvrage qui s’intitulait : « La Réaction, c’est la Vie ». En effet, le syndrome d’immunodéficience, qui prive l’organisme de ses défenses naturelles, entraîne inéluctablement la mort. Eh bien, je pense qu’il faut faire la même chose avec « populisme » : retourner ce vocable contre ceux qui prétendent l’utiliser pour nous discréditer.

L. F. : Plusieurs partis que l’on peut qualifier de nationalistes, souverainistes ou patriotes sont au pouvoir en Europe ou sur le point de former un gouvernement (Pologne[1], Hongrie [2], Italie [3], Suède [4], Autriche [5]) et d’autres, à défaut de menacer les gouvernements en place, sont en progression constante ou haut dans les sondages comme Vox en Espagne, Chega au Portugal, l’AfD en Allemagne, le Vlaams Belang en Belgique (Flandre), le PVV aux Pays-Bas et bien sûr le RN en France. On assiste, manifestement, à une montée en puissance des partis nationalistes en Europe, partis qui avaient longtemps été cantonnés dans une fonction tribunicienne, sans ancrage électoral suffisant.

À quels facteurs attribuez-vous ces succès dans les différents pays européens aussi bien au Nord qu’au Sud, à l’est de l’Europe qu’à l’Ouest ?

B. G. : Ces facteurs sont plusieurs : d’une part, il y a l’effondrement politique, intellectuel et moral du marxisme, et de ses avatars : communisme et même socialisme, qui avaient suscité dans les classes populaires un espoir d’amélioration de leur situation, au moins matérielle. On sait aujourd’hui que ces idéologies étaient le véritable « opium du peuple », qualificatif que Marx et Engels donnaient à la religion. Libérées de ces idéologies mortifères, les mêmes classes populaires se fondent désormais sur ce qui subsiste de bon sens chez la plupart de leurs membres.

En deuxième lieu, il y a le sentiment dans une fraction croissante de l’opinion que les formations politiques traditionnelles, qui font semblant de s’affronter, pratiquent en fait des politiques similaires, et que ces politiques ont totalement échoué à résoudre les problèmes qui se posent. D’où le désir de se de tourner vers des formations nouvelles, même si elles sont réputées plus radicales.

En troisième lieu, et c’est sans doute le facteur le plus important, ces populations européennes sentent bien que leur identité leur échappe. Elle est menacée dans sa substance par une immigration massive, incontrôlée, de populations hétérogènes et pratiquement inassimilables. Là encore, les formations politiques traditionnelles sont incapables d’enrayer ce phénomène, quand bien même elles ne l’ont pas encouragé pour complaire par exemple à un certain patronat désireux de peser à la baisse sur les salaires du travail manuel.

Enfin, dernier facteur, mais concomitant avec le précédent, ces mêmes peuples ont l’impression, justifiée, que leur destin leur échappe de plus en plus. Ils se retrouvent prisonniers d’une construction supranationale, l’Union européenne, qui, loin d’être un espace de coopération fructueuse entre les nations, est animée d’une dynamique mortifère qui tend à la création d’un Super-état mondialisé, lequel décide de tout, et accumule les lois, les charges, les normes, les contraintes, sur un espace européen que, dans le même temps, par illusion idéologique, les mêmes ouvrent à la concurrence de pays auxquels ne sont imposées ni les mêmes lois, ni les mêmes charges, ni les mêmes règles, ni les mêmes contraintes. Ainsi, l’Europe devient un espace ouvert à toutes les migrations de personnes, à tous les flux de marchandises, même fabriquées dans des pays du tiers-monde dans des conditions qui relèvent pratiquement de l’esclavage, et à tous les flux de capitaux venus racheter à vil prix ce qui reste de notre outil industriel… C’est de plus en plus intolérable pour toute personne de bon sens. (LIRE LA SUITE DANS NOTRE NUMÉRO)

Propos recueillis par Olivier DESTOUCHES

 

[1] – PIS (parti Droit et Justice).

[2] – Fidesz.

[3] – Fratelli d’Italia.

[4] – SD (parti des démocrates de Suède).

[5] – FPO (parti libéral autrichien).

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