Deux intervenants, Henri-Christian Giraud et Jean-Pax Méfret, tout deux nés en Algérie, nous livrent leur vision non-conformiste sur les rapports complexes entre la République et l’Histoire.
Journées Chouannes 2016 01 – L’Histoire et la République – plaquette
Table ronde avec Henri-Christian Giraud et Jean-Pax Méfret, dirigée par Claude Beauléon, sur l’Algérie et l’anti-gaullisme.
Extraits :
– Plus de cinquante ans après les faits, quel regard porteriez-vous aujourd’hui sur le gaullisme ? Est-ce qu’on peut porter un regard apaisé aujourd’hui sur cette période ? Je pense que c’est difficile quand on est Pieds-noirs. Pensez-vous qu’il y ait quelque chance que la République finisse par reconnaître cette tragédie ? Est-ce que vous militez dans ce sens ou vous attendez quelque chose de la part de l’État ?
Jean-Pax Méfret :
– Non. Je n’attends rien de la part de l’État. On reconnaîtra un jour. On le reconnaît maintenant d’ailleurs. Des auteurs, des gens qui soutenaient la politique de De Gaulle reconnaissent qu’il ne s’est pas bien conduit avec les Pieds-noirs. Plus on laissera de témoignages sur cette pénible et tragique histoire et mieux ce sera pour les générations à venir car c’est vrai qu’on a fait partie d’une génération sacrifiée. On a beau dire : « l’Algérie c’est un accident de l’Histoire », mais nous on était dans le ravin. Ce qui était terrible c’était la façon dont on a été rejetés en France. On arrivait dans une France qui nous tournait le dos. À part quelques petits groupes qui venaient soutenir les Pieds-noirs qui arrivaient, tout le reste était rejeté. Il ne faut pas oublier qu’à Marseille, Gaston Defferre, maire de Marseille, avait donné une interview à un grand journal du soir, qui avait titré à la Une la phrase de Defferre « que les Pieds-noirs aillent se réadapter ailleurs ». Les dockers avaient écrit dans le port de Marseille en lettres géantes : « Pieds-noirs retournez chez vous ».
Henri-Christian Giraud :
– Foncièrement, j’ai réalisé brièvement l’opposition, la véritable raison de l’opposition de la querelle entre Giraud et De Gaulle. C’est bien sûr une question de personnalité car ce sont des personnalités assez fortes qui ont un caractère comme on le sait assez marqué, qui se connaissent relativement bien puisque De Gaulle avait été sous les ordres de mon grand-père à Metz en 1938, quand mon grand-père était gouverneur militaire de Metz.
La véritable raison c’est que Giraud est un partisan déclaré de l’offensive Danubienne, à partir de l’Italie reconquise, alors que De Gaulle, compte tenu de son alliance secrète avec Staline, va tout faire pour défendre l’ouverture de ce grand front le plus à l’ouest possible, c’est-à-dire en Normandie, puis en Provence alors que tout le corps expéditionnaire français, commandé par Juin, et les 23 divisions alliées qui viennent de prendre Rome, sont prêtes devant l’effondrement de l’armée de Kesselring, à foncer sur la Lombardie, à passer par le col de Ljubljana et à prendre Vienne.
Mon grand-père d’ailleurs le dit, à Churchill qui lui demande, devant une carte : « Mon général, à votre avis que faut-il faire ? »
De Gaulle et Giraud lui disent : « Il faut évidemment prendre les trois îles : Sardaigne, Corse etc., passer en Italie à partir de Gênes et de Livourne, foncer sur le col de Ljubljana et prendre Vienne, clé de Berlin.
De Gaulle, après le 4 décembre 1942, c’est-à-dire à peine un mois après le débarquement en Afrique du Nord, dit à Ivan Malinski : « J’espère que les Russes seront les premiers à Berlin ».