GIGN, BRI, RAID… Cet article va vous raconter l’histoire des troupes d’élite françaises, dont les compétences sont bridées par des technocrates qui n’ont jamais senti leurs tempes battre, leur cœur cogner jusqu’aux oreilles, leur crâne se « serrer » avant un assaut dans lequel on doit tuer pour faire vivre. Ou mourir pour les autres. Il y a toujours eu des rivalités entre les différentes armes, c’est Tradition et cela peut produire une saine émulation : quand les cadres mettent des limites, tout de même… C’est donc l’histoire d’un rassembleur qui veut entasser des compétences et des spécialités bien définies pour rassurer la populace par le nombre (ridicule en plus), au lieu de proposer de faire passer en priorité les sous, les moyens, et l’assouplissement des conditions légales d’ouverture du feu. On n’est pas sortis les amis !
Lu pour vous ce matin dans Minute :
La guerre des polices, c’est fini ! C’est ce qu’a annonce le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, en présentant son nouveau « schéma national d’intervention ». Un schéma annoncé dès le mois de janvier dernier mais qui a été accouché dans la douleur, tant les susceptibilités des uns et des autres sont exacerbées. Non, ce n’est pas fini.
Un discours du ministre devant des troupes au garde-à-vous et un exercice inédit de ces mêmes troupes, gare Montparnasse à Paris, pour illustrer le discours : la réforme des unités d’intervention de la police et de la gendarmerie s’est accompagnée d’une belle opération de communication. En ces temps troublés, il faut bien rassurer les Français et leur montrer que ceux qui sont chargés de les protéger sont efficaces et unis.
Flics et pandores unis, c’est bien là l’objectif du ministre de l’Intérieur. Désormais, les gendarmes du GIGN, les policiers du Raid et ceux de la BRI, la Brigade de recherche et d’intervention, sous les ordres du préfet de police de Paris, sont priés de travailler main dans la main. Une évidence pour les pékins que nous sommes, beaucoup moins pour ces unités d’élite entre lesquelles les rivalités sont féroces.
Et Cazeneuve apporta… le gâteau !
Il faut dire que, depuis les attentats de janvier et de novembre 2015, la guerre des polices a repris avec férocité (Cf. « Minute » des 20 et 27 janvier dernier). Principal mécontent, le GIGN. L’unité d’élite avait en effet assisté, l’arme au pied et la rage au ventre, aux assauts du Bataclan et de Saint-Denis, en novembre dernier. À l’époque, pas un gendarme n’avait été appelé, « zone police » oblige. Forcément, au GIGN, la pilule avait été un peu dure à avaler et on n’avait pas manqué de le faire savoir (tandis qu’un militaire de l’opération Sentinelle en patrouille près du Bataclan avait refusé de prêter son FAMAS à un policier de la BAC qui voulait intervenir, au motif qu’il n’avait pas d’ordres).
À Satory, la base du groupe d’intervention, on avait également largement ironisé sur les incohérences de l’assaut de l’appartement où étaient retranchés, à Saint-Denis, des terroristes dont Abdelhamid Abaaoud, et notamment sur les 5 000 cartouches tirées à cette occasion alors que l’armement des assaillis ne le justifiait pas. En coulisse, certains dénonçaient l’incompétence des unités de la police et la proximité de Bernard Cazeneuve et de Jean-Marc Falcon, le grand patron des flics. Toujours selon les mêmes, leurs épouses seraient même très proches. Quand les femmes s’en mêlent…
Aussi, depuis quelques mois, chacun avançait ses pions. Chaque unité ne manquait pas une occasion de mettre en avant ses résultats. Une vraie campagne électorale, avec ses coups tordus et ses déclarations dans la presse…
Sur le fond, le général Denis Favier, le patron de la gendarmerie, voulait faire sauter la compétence territoriale, qui ne laisse à ses hommes que les interventions à la campagne. Jean-Marc Falcon cherchait, au contraire, à maintenir les prérogatives de ses troupes. Quant à la BRI, elle cherchait surtout à sauver sa tête et à empêcher le Raid, mieux coté et plus connu, de mettre un pied dans Paris…
Dans la mêlée, Bernard Cazeneuve cherchait, quant à lui, à calmer les policiers et à rassurer les gendarmes. Pour preuve de sa bonne volonté, au printemps dernier, rendant visite au GIGN, il avait apporté un gâteau ! Véridique ! Les gendarmes présents n’en sont toujours pas revenus.
« C’est à qui aura la plus grosse ! »
Au final, chacun a obtenu partiellement gain de cause. Les effectifs de la B.R.I, du Raid et du GIGN ont été renforcés et la compétence territoriale a été supprimée pour « l’intervention spécialisée ». Une défaite pour la police ? On peut le voir comme cela et certains ne s’en privent pas, insistant même sur la présence inédite du GIGN dans la capitale lors de l’exercice du 20 avril dernier. La zone de chasse gardée de la BRI n’est plus inviolable ! Résultat, c’est maintenant la police qui râle. Comme le résume un policier au journal «Métro », entre les unités, « c’est à qui aura la plus grosse» ! Les luttes d’influence sont loin d’être terminées.
Quoi qu’il en soit, entre les « bleus » et les « blancs », c’est le premier arrivé, ou du moins le premier disponible, qui interviendra. Qu’importe le lieu de la prise d’otage ou de l’attentat. L’objectif affiché du ministre est simple : pas un point du territoire national ne doit être situé à moins de 20 minutes d’un groupe d’intervention, ce qui reste à démontrer quand on regarde la carte : il ne vaudrait mieux pas qu’une attaque terroriste intervienne dans le Massif central ou dans le Limousin…
Quand on parle de groupe d’intervention, il ne s’agit évidemment pas que du GIGN, du RAID et de la BRI. Dans le schéma, les unités d’ « intervention intermédiaire », BAC (Brigade anti-criminalité) et PSIG (Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie) se sont vus dotés de moyens supplémentaires et notamment de fusils HK G36. Pas un luxe, quand on connait la clochardisation de la gendarmerie !
D’ailleurs, en Aquitaine, à l’occasion de la présentation à la presse du nouvel armement, les gendarmes du PSIG ont été contraints d’aller emprunter les fusils de leurs collègues du PSPG, un peloton de gendarmerie spécialisé dans la surveillance des centrales nucléaires ! Autrement dit, on déshabille Pierre pour habiller Paul ! Histoire de faire sérieux devant les caméras…
Est-ce que ce nouveau schéma va fonctionner ? Rien n’est moins sûr. Il faudra du temps avant qu’un policier appelle en urgence une unité de gendarmerie. Et inversement. Comme nous l’ont confié certains : «On verra la prochaine fois. » Parce que là, policiers et gendarmes sont tous d’accord : il y aura des prochaines fois.
Jean Masson
Minute , mercredi 11 mai 2016, n°2770, p. 3.