L’État a pour vocation de gérer le bon agencement des diverses cellules de la société. En aucun cas de faire de l’ingérence dans des cercles ayant leur propre autonomie naturelle. En revanche, il est le garant du respect des principes moraux et de leur application : que le divorce soit affaire d’État ou de notaire, il n’y a aucune différence, c’est immoral.
Lu dans Présent :
L’État plus compétent que les parents ?
LA RÉCENTE RÉFORME du divorce, « dé-judiciarisant » le divorce par consentement mutuel, fait couler un peu d’encre. Fini, le juge : conseillés par deux avocats aboutissant à une convention commune, les époux officialiseraient leur divorce devant notaire. Certains critiquent la méthode, regrettant l’absence de débats ; d’autres mettent en avant le bien de l’enfant, privé du soutien objectif et impartial du juge.
Pour ce qui est du débat, rappelons quatre choses :
- le divorce par consentement mutuel existe depuis 1975, et visait clairement à faciliter le divorce, socialement et judiciairement ;
- se passer du juge est en fait une proposition régulièrement avancée et discutée, et les arguments sont connus (Ségolène Royal, ministre de la Famille en 2004, avait fait l’éloge du divorce sans juge, ainsi que Rachida Dati, quand elle était garde des Sceaux) ;
- le mariage a fini sa mue d’institution à contrat, et de façon éclatante, avec la loi Taubira ;
- croire aux vertus du débat, en France, en 2016, c’est volontairement ignorer qu’il n’est qu’une comédie faussement représentative.
Préserver la vie familiale
Venons-en au fond du problème : l’enfant sera-t-il lésé par l’absence du juge ? C’est la position de belles âmes, comme l’Union nationale des associations familiales, le Barreau de Paris ou la Conférence des évêques de France, etc. Le juge serait seul capable de déterminer le réel intérêt de l’enfant, « partie faible ou sous emprise ». Une fois encore, on nous explique que l’institution étatique est plus intelligente, par principe, que les parents : elle est meilleure éducatrice en toutes choses. L’État est-il si bon éducateur quand on voit l’indigence de l’Éducation nationale, dans ses programmes et dans sa gestion (et la rage de L’État de se substituer partout aux parents) ?
L’État est-il si bon garant des intérêts familiaux, lui qui s’acharne précisément à ne pas faire de la famille une institution mais, au contraire, à individualiser chacun dans le couple ? Rappelons un fait : en quarante ans, on est passé de plus de 400 000 mariages par an à moins de 250 000 (près d’un tiers des couples ne sont pas mariés et plus d’un quart de ces mariages sont des remariages pour un conjoint au moins), et de 50 000 divorces à un peu plus de 120 000 (source INSEE). Voilà ce qu’est devenue l’institution du mariage, grâce à l’action de l’État.
Pourquoi veut-on nous faire croire qu’un juge (qui a d’ailleurs tendance à accepter l’intégralité des conventions qui lui sont présentées) serait mieux capable que deux parents de décider de ce qui est bien pour l’enfant, quand les parents veulent préserver un « couple éducatif » ? Au nom de quelle science de l’éducation, et au nom de quelles valeurs républicaines, pourtant si constamment opposées au mariage-institution, à la famille cellule de base de la société ? Cela fait longtemps que, par les lois et sous l’action de la Justice, l’ordre public est menacé et l’enfant mis en péril, dès avant sa naissance.
Pourquoi ne pas faire confiance à des parents, au nom précisément de ce que la famille est censée être, plutôt qu’à l’État ? La vie privée est constamment menacée par un Etat qui se veut l’agent moral d’un ordre nouveau, qu’il veut imposer jusqu’au cœur de chacun en éliminant tout ce que la famille peut apporter. Allons-nous refuser la liberté qu’il nous donne enfin d’être maître de notre destin sans sa censure vigilante ? Car le culte du juge, c’est l’abdication de la responsabilité personnelle. Or c’est elle qui protège l’enfant ; et même évite le divorce…
Hubert Champrun
Présent, n°8631, 17 juin 2016, p.3.