Il y a dix ans, le 26 juillet 2007, disparaissait Roland Goguillot dit Roland Gaucher. Grand journaliste et combattant inlassable de la cause nationale, il fut un acteur majeur de notre famille politique. Jean-François Touzé qui fut à ses cotés dans les premières années de National hebdo après avoir été secrétaire de rédaction de RLP hebdo, « l’ancêtre » de NH, nous parle de lui.
Lu pour vous dans Synthèse nationale.
Chacun a ses tics de langage. Il avait les siens, que Martial Bild, aujourd’hui directeur de la rédaction de TV Libertés, et moi, moquions amicalement.
Oui Roland Gaucher les avaient bien connus. Marcel Déat, Georges Albertini, Boris Bajanov qui fut le secrétaire de Lenine, Boris Souvarine, Robert Hersant, Morvan Duhamel, Paul Dehème, Monseigneur Ducaud Bourget, qu’il évoquait souvent sur le ton du mystère qu’il affectionnait dès lors qu’il s’agissait d’hommes qui ont compté. Sans parler bien sûr de tous ceux qui a un moment où à un autre furent les acteurs du grand roman de la droite nationale des années 60, 70 et 80. Ceux qui étaient restés fidèles… Et puis les autres, passés de l’autre coté de la ligne, ralliés au Système, qu’il prît le visage libéral de Giscard ou le masque de faux dur de Pasqua : les Alain Madelin, Gérard Longuet, Alain Robert qu’il brocardait d’abondance à coups de portraits féroces appuyés sur des documentations toujours étayées.
Cette droite nationale – il n’usait jamais du mot en bon ancien du RNP lui préférant « Mouvement national » auquel il ajoutait volontiers « populaire – il en fut lui même une figure essentielle. Par ses articles d’abord. De l’Auto journal, rédaction ouverte à tous les réprouvés de l’épuration, à National hebdo, en passant par L’Aurore, Est Ouest, Le Crapouillot, il fut d’abord un grand journaliste. Un enquêteur incisif, un homme de fiches et d’archives mais aussi une plume acérée, ciselée, sobre, efficace, sans détours inutiles. Auteur de référence sur le Parti communiste, le terrorisme, le gauchisme chrétien ou les réseaux de soutien au FLN, curieux de tout et méfiant de tous même s’il lui arrivait parfois de céder au complotisme, il fut un spécialiste incontournable et reconnu bien au delà de nos milieux, du monde soviétique et du communisme, ses hommes ses méthodes, ses méfaits et ses crimes.
Par l’action politique ensuite. Roland, s’il ne renia jamais son engagement à la tête des jeunes déatistes dans les années 40, en parlait peu. Ce qui lui importait c’était le présent et c’était l’avenir. Roland était un militant. Un militant de la cause nationale et populaire qui ne répugnait pas si nécessaire, même l’âge accomplissant sa mauvaise œuvre, à faire le coup de poing en bon boxeur qu’il fut dans les années 30, ou à foncer tête baissée et lunettes de myopes ôtées vers un cordon de CRS ou une meute de gauchistes.
Député européen entre 1986 et 1989, Membre du Bureau politique du Front national après l’avoir été du Parti des forces nouvelles, il ne s’y rendait jamais sans avoir minutieusement préparé ses interventions et savait chaque fois que nécessaire user des manœuvres d’appareil auquel il avait été formé dans sa jeunesse.
Gaucher était le contraire d’un courtisan. Alors que tant de valets se taisaient ou flattaient, lui savait dire sa vérité à tous, y compris à Jean-Marie Le Pen chaque fois qu’il le fallait. Les murs de la rue de Courcelles, premiers locaux de National hebdo – car bien sûr, jamais il n’envisagea de s’installer, quand bien même beaucoup l’y pressaient, dans ceux du FN comme le souhaitait son Président – raisonnent encore de ses algarades avec Jean-Marie. Et celui qui criait le plus fort et raccrochait le premier n’était pas celui que l’on pourrait croire.
National hebdo… Ce fut incontestablement la grande œuvre de sa vie.
Refaire Minute dont il avait été longtemps un pilier, tout en restant adossé au mouvement de Jean Marie Le Pen – journal libre et autonome et à la fois organe officieux du Mouvement – telle fut la ligne de crête que devait emprunter Roland, ce qui relevait, on en conviendra, de la quadrature du cercle. L’honnêteté oblige à écrire qu’il n’y parvint que difficilement même, et peut-être surtout, quand vinrent le rejoindre François Brigneau, Jean Bourdier et Serge de Beketch, les grands plumes de Minute.
Pour avoir été à ses côtés parmi l’équipe fondatrice du journal (avec Michel Collinot, Jean-François Jalkh et Jean-Claude Rolinat auxquels il faut ajouter Eric Laffite et Jean Emile Néaumet qui allaient bientôt nous rejoindre) je peux témoigner de la difficulté de la tâche, mais aussi de l’enthousiasme qui fut le nôtre – et d’abord le sien – lors du lancement de NH qui, en quelques semaines du printemps 1984 réussit à s’imposer comme LE grand hebdomadaire national. L’histoire de NH reste à écrire et il faudra bien, un jour, avant que ne s’effacent les souvenirs et les hommes, que cela soit fait.
Roland Gaucher en fut le directeur inspiré par l’action globale qui le menait. La rigueur administrative ne présidait pas toujours aux destinées du journal, pas plus que l’organisation rédactionnelle, mais Roland sut en faire un hebdomadaire politique, sociétal et culturel de référence, aux scoops réguliers et aux analyses droitistes percutantes, ouvert aux technologies de communication nouvelles car Roland pensait toujours en termes de futur ; en même temps équilibre difficile à tenir, nous l’avons dit – NH fut un organe de propagande qu’un temps, les militants FN consciencieux (dans les années 80 cela relevait encore du pléonasme) devaient vendre à la criée.
National hebdo, malgré les tensions inévitables des bouclages notre chère Nicole Dupaty là où elle est, sans doute pas très loin de Roland, le sait – fut une famille et y appartenir était un privilège.
Qu’il me soit permis d’évoquer ici deux souvenirs qui, je le crois, éclairent la personnalité de Roland Gaucher.
Le premier me fait remonter à l’année 1985. Ayant obtenu de quelque informateur particulièrement fiable un « doc » d’importance concernant l’organisation Djihad Islamique, puis, une semaine plus tard, devant rédiger un « papier » contenant certaines informations sensibles sur Action directe, Roland vint me voir dans le bureau que je partageais avec Rolinat : « Jean-François, tu es marié, tu as une famille, des enfants en bas âge, ces articles te mettent en première ligne et cela peut être dangereux. Veux-tu les écrire sous pseudo ? ». Lui répondant qu’il ne saurait en être question que, bien sûr, je prenais mes responsabilités et que ces terroristes de m… ne m’impressionnaient nullement. (Qu’arrive ce qui doit arriver) je vis que, derrière ses lunettes à triple foyer, ses yeux s’éclairaient. Son léger sourire me dit le reste. Nous étions de la même famille.
Le second souvenir concerne mon premier départ du Front National en 1989. Une demi-heure après que celui ci fut acté, coup de fil de Lionel Payet, alors directeur administratif de NH : « Si tu es libre, Roland et moi t’attendons à 13 h pour déjeuner ». Et là, tandis qu’à la direction du FN volaient les noms d’oiseau à mon encontre, et que je m’interrogeais sur ce que j’allais faire, Roland entre poire et fromage – mais ce devait être plutôt entre Morgon et calva -, me dit comme une évidence : « Bon, bien entendu ta place est réservée à NH, tu continues avec nous, la direction du Front, connais pas.« … Les intimidations d’appareil n’avaient pas prise sur lui. Et être de la famille, pour lui, était définitif.
Dans ma vie militante, Jean-Marie Le Pen mis à part, car il s’agit de liens d’un autre ordre qui touchent à l’essentiel, trois hommes ont compté qui ont fait de moi beaucoup de ce que je suis.
Jean-Pierre Stirbois, bien sûr qui m’a appris la rigueur, une forme d’austérité militante et le culte de l’organisation.
Michel Collinot qui m’a appris la disponibilité, l’importance du faire savoir et le désintéressement.
Roland Goguillot Gaucher, enfin, qui m’a appris à discipliner ma plume, à faire « court et serré », à privilégier l’information, a maitriser la « titraille », à être prêt à rédiger vite et à n’importe quel moment quitte à chambouler les « chemins de fer », et qui m’a enseigné la fidélité aux amis et camarades car dans le combat politique, au fond, les partis, les journaux, les organisations ne sont que des véhicules dont on peut changer.
Seuls comptent les hommes.
Non… Si, hélas, les uns sont morts, les autres sont bien là qui voyagent peut être, mais jamais ne se perdent.
Nous étions peu nombreux, pourtant, aux obsèques de Roland Gaucher. Roland Hélie, Yves Daoudal, Stéphane Le Brieuc qui fut notre maquettiste… Quelques autres qui ne m’en voudront pas de ne pas les citer. Du Bureau politique du Front il n’y avait que Jean-Claude Varanne et moi.
Deux ans plus tôt, lors d’un déjeuner organisé par Roland Hélie, celui qui fut mon directeur et mon camarade me disait « c’est sur internet et les réseaux de discussion que tout va se passer maintenant. A vous de le faire. Moi je suis un vioque maintenant« .
Un vioque qui avait tout compris et qui jusque à son dernier jour, fut un combattant politique fidèle à son passé et maîtrisant les armes de son temps.
Oui, Roland Gaucher, je l’ai bien connu.
Jean-François Touzé
Synthèse nationale n°46, été 2017