Décédé le 3 juillet, Jean-Jacques Susini, était l’un des éléments clés de l’OAS en Algérie en 1961-1962. Les médias accolent moutonnement à son nom l’épithète sulfureux.
Lu pour vous dans Présent.
Qui était-il, vraiment ? Forte personnalité, intelligence supérieure, grande culture historique, volonté sans faille, sont quelques-uns des traits caractérisant l’orateur hors pair et l’homme d’action qu’il était.
Bachelier à 15 ans, il préside à 26 ans l’association générale des étudiants d’Algérie. Il est l’un des dirigeants de l’insurrection d’Alger de janvier 1960, « la Semaine des barricades ». Passant sur les conseils de modération des avocats, il fait, au tribunal qui le juge, une déclaration ardente en forme de manifeste politique radical. Mis en liberté provisoire en décembre 1960, il rejoint clandestinement Madrid. Il y gagne la confiance et l’estime du général Salan qui dira de lui : « C’est avec des garçons de cette classe que nous ferons quelque chose. » En février 1961, toujours à Madrid, avec Pierre Lagaillarde, il fonde l’Organisation Armée Secrète, dont les termes choisis sont un appel à la résistance. Avec le général Salan, à bord d’un petit avion de tourisme, il gagne Alger le 23 avril 1961. Alors que le putsch bat de l’aile, il s’emploie à convaincre le général Challe de ne pas renoncer — il obtient un sursis d’une journée. Responsable de l’action psychologique et politique de l’OAS, il inspire la politique du général Salan en rédigeant de nombreux courriers, au premier ministre Michel Debré, au directeur du Monde, aux parlementaires, aux évêques, aux maires…
Lorsque l’action conjuguée du pouvoir gaullien et du FLN a raison de l’Algérie française, tenant compte des réalités, Susini — il n’a pas 28 ans — négocie avec des représentants du FLN, le docteur Mostefai en tête, un accord donnant aux Européens d’Algérie des garanties dans une Algérie indépendante. Ces accords n’auront pas d’application, la clique arabo-islamiste de Ben Bella prenant le pouvoir.
Exilé en Italie après juillet 1962, il monte plusieurs complots ayant pour cible le chef de l’Etat. Il y écrit un premier tome de l’Histoire de l’OAS.
Michel Déon, chargé par son éditeur, Roland Laudenbach, de renouer avec Susini en vue d’un deuxième tome, le retrouve en décembre 1963 à Rome. Il le décrit :
« Toujours le même, beau visage intact, un blond guerrier froid et calme jusqu’au moment où, se sentant en sécurité, sa parfaite mécanique dialectique se met en route avec une conviction que rien ne peut ébranler. »
En 2015, l’auteur des Poneys Sauvages, son aîné de quatorze années, toujours fasciné par sa personnalité, la rapprochait par certains aspects de celle de Vladimir Poutine. Et il ajoutait : « Dans d’autres circonstances, Jean-Jacques Susini aurait eu un destin exceptionnel. »
Jean-Jacques Susini est mort, éternel jeune homme tourné vers l’avenir. Ses convictions, sans passéisme, étaient toujours aussi fermes.
Bernard Zeller
Présent n°8899 du 11 juillet 2017