« La pire attaque informatique de l’histoire »… Plus de cent pays touchés… Des ordinateurs bloqués par centaines de milliers — dont ceux d’administrations ou de sociétés mondiales (Renault en France). Tel est le piratage planétaire opéré par WannaCry — un « bébé » parmi d’autres du service secret américain NSA, dérobé à son apprenti-sorcier de créateur et récupéré — mais par qui au fait ?
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Là, comme d’usage, nul expert en sécurité informatique, officiel ou privé, ne sait rien du coupable. Et comme toujours, nul de ces experts — si prodigues pourtant en « solutions » — n’a prévu cette attaque dont l’ampleur planétaire prouve qu’elle ne peut relever de la cyber-génération-spontanée. La vérité — l’auteur alerte dès 2015 dans son traité de « cyber-criminologie » (CNRS-Éditions) : la jungle du cybermonde est absolument dérégulée. La Banque de France sans les coffres forts ; la circulation automobile sans le Code de la route.
De plus, en cyber-sécurité, les sombres présages s’amassent depuis des mois sans que le concert des nations (G7 et autres) dépasse le stade des communiqués affligés ou inquiets.
La banque centrale du Bangladesh subit un « cyber-braquage » de 81 millions de dollars (coupable avéré inconnu à ce jour).
Toujours plus sophistiqués et vicieux, les cyber-pirates ciblent les distributeurs de billets, les entreprises et même — vive l’«Internet des objets » — les ours en peluche de nos bambins.
En 2016, le Japon subit 128 milliards de cyber-attaques petites ou grandes, 350 millions par jour, 14,6 millions par heure !
En Grande-Bretagne, la fraude informatique est devenue l’infraction la plus courante ; un Britannique sur 10 en subit une en 2016 (plus de 6 millions de victimes).
Dans les motifs du drame, la culture d’ingénieurs des responsables de la cyber-sécurité. Excellents savants et techniciens, ils ignorent le monde du crime. Or c’est de criminalité qu’il s’agit — et confier les affaires de sécurité à des ingénieurs a ses limites. La célèbre «ligne Maginot » le prouve. Souvenons-nous : le nez sur leur règle à calcul, de brillants ingénieurs décidèrent alors que le problème était hydraulique (sortie et repli rapide des canons, depuis les blockhaus) ; ils dotèrent de pompes et vérins d’avant-garde une ligne Maginot bien plus high-tech que la germanique ligne Siegfried. Cette excellence frappa le (futur) maréchal von Rundstedt : plutôt que d’y sacrifier ses troupes, il décida sagement de contourner le chef-d’œuvre… Les cyber-pirates font-ils autre chose aujourd’hui ?
Xavier Raufer, criminologue
Conflits n°18 de juillet-août-septembre 2017