Lectures Françaises

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Bagnes et camps de l’épuration française (1944-1954), par Pierre-Denis Boudriot

ByJérôme Seguin

Mar 11, 2022
Bagnes et camps de l'épuration française (1944-1954)

En 1945, les centrales et les camps pénitentiaires, en France, comptaient les incarcérations de 10 000 hommes et 4 000 femmes condamnés à des peines extrêmement sévères pour « faits de collaboration » : bagnes pour plusieurs années ou même travaux forcés à perpétuité ! Nous avions lu dans divers ouvrages les conditions de détentions relatées par ceux qui les avaient subies (Philippe Saint-Germain, Henri Béraud, Christian de La Mazière, Lucien Rebatet, Pierre-Antoine Cousteau, et tant d’autres…). Boudriot a collecté les sévices subis par les uns et les autres, sans pitié, avec dédain, mépris, cruauté, sans considération d’âges ou de diminutions physiques qui pouvaient atteindre certains. Le « catalogue » est impressionnant : cellules occupées en surnombre, isolement, poignets menottés, chaînes aux pieds pour les condamnés à mort [1], sous-alimentation confinant presque à la disette, hygiène inexistante (une douche à l’eau froide par mois) et épouvantable (paillasse d’une saleté repoussante), fouilles dégradantes, jusque dans l’intimité la plus immonde, tenues vestimentaires les plus sommaires (« hardes maison, défroques nauséabondes »), odeur pestilentielle, froidure extrême en plein hiver dans des cellules non chauffées, bien entendu, privation de parole, prohibition de l’écrit. Ceci n’est qu’un résumé rapide de ce que Pierre-Denis Boudriot a décrit de façon détaillée pendant plus des 200 pages que compte son livre. L’ensemble peut être condensé comme un « chaudron infernal » ou un « enfer étroitement réglementé ». Et les victimes de cette abominable misère n’ont bénéficié d’aucune clémence tout au long de leur enfermement qui s’est prolongé pendant dix ans pour certains ! Il faut toutefois pardonner au premier responsable, au premier fauteur de cette ignominie, le « grand chrétien » qui avait nom Charles De Gaulle !

L’illustration de la couverture du livre est sans équivoque : une Croix de Lorraine sur laquelle est attaché un homme dénudé, retenu par des fils de fer barbelé, dans une posture d’immense souffrance.

Rappel : Pierre-Denis Boudriot est aussi l’auteur de «L’Ennemi intérieur» de la IIIe République (1938-1940), paru en 2014 aux Éditions de Chiré (150 p., 17 €). Il y retrace l’histoire et la traque, de la répression et de la détention subies par cet « ennemi intérieur », pourchassé par une IIIe République finissante et moribonde.

Docteur en histoire moderne et contemporaine, il avait précédemment publié une histoire de L’Épuration, 1944-1949 (Éd. Grancher, 2011), étayée par plus de trente témoignages d’épurés français.

Éditions Auda Isarn, 2021, 240 p., 20 €

Jérôme SEGUIN

[1] – Cf. la première strophe du poème de Robert Brasillach, Bijoux :

Je n’ai jamais eu de bijoux, / Ni bagues, ni chaîne aux poignets, /

Ce sont choses mal vues chez nous : / Mais on m’a mis la chaîne aux pieds.

Extrait des Poèmes de Fresnes (Ed. Les Sept Couleurs, 1949 et 1966).