2 mars 1922-2 mars 2022 : centenaire de la proclamation de Marie « principale patronne de toute la France »

2 mars 1922-2 mars 2022 : centenaire de la proclamation de Marie « principale patronne de toute la France »

Regnum Galliæ, Regnum Mariæ

Urbain II – XIIe siècle.

Dans le contexte d’une France méconnaissable, au bord de la déconstruction, les catholiques de France célèbrent en ce mois de mars, le centenaire du motif de leur espérance, la proclamation par le pape Pie XI de Marie, patronne de toute la France. Cet acte religieux parachève l’acte civil du Décret royal, communément appelé le Vœu de Louis XIII. Revenons rapidement sur les faits.

Le 15 août 1638, le roi Louis XIII (1601-1643) se trouve à Abbeville, à cause des nécessités de la guerre. Dans la chapelle du couvent des Minimes, au cours de la messe, au moment de la consécration, la main droite élevée à hauteur du Saint Sacrement, la gauche posée sur le cœur, il prononce les admirables paroles par lesquelles il consacre le Royaume de France à Marie :

« … Prenant la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre Royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre État, notre Couronne et nos sujets, la suppliant […] de défendre avec tant de soin ce royaume contre l’effort de tous ses ennemis […] qu’il ne sorte point des voies de la grâce qui conduisent à celles de la gloire ».

Cette consécration fut confirmée par Louis XIV le 25 mars 1650, puis renouvelée par Louis XV en 1738. Mais au lendemain de la terrible journée insurrectionnelle du 10 août 1792, dont la déclaration de la « suspension du roi » laisse présager des calamités plus funestes encore [1], l’Assemblée législative ne perd pas de temps et s’empresse, le 14 août suivant, vigile de l’Assomption, de prononcer l’abolition du Vœu du pieux monarque. Certes, Louis XVIII (1755-1815), frère de Louis XVI, rétablit le décret royal (1814). Mais Louis-Philippe Ier (1773-1850), fils de Philippe-Égalité (député de la Convention qui avait voté la mort de son cousin Louis XVI), annule cette rescision et finalise la forfaiture de son père en abolissant, à son tour, le Vœu sacré (1831) [2].

Quelle légitimité accorder aux abrogations prononcées par l’Assemblée législative puis par Louis-Philippe Ier ? La proclamation du pape Pie XI (1857-1939), armé de « la plénitude de [son] pouvoir apostolique », suffirait à dessiller les négateurs et elle infirme, en tous cas, leurs cassations. En effet, le 2 mars 1922, le pontife rédigeait la lettre Galliam, Ecclesiæ filiam primogenitam [3] qui commençait en rappelant magnifiquement :

« Les Pontifes romains nos prédécesseurs ont toujours, au cours des siècles, comblé des marques particulières de leur paternelle affection la France, justement appelée Fille aînée de l’Église. »

Il décrétait ensuite :

« Nous déclarons et confirmons que la Vierge Marie Mère de Dieu, sous le titre de son Assomption dans le ciel, a été régulièrement choisie comme principale patronne de toute la France auprès de Dieu, avec tous les privilèges et les honneurs que comportent ce noble titre et cette dignité. »

Ce fut, moins d’un mois après son élection (6 février 1922), sa première Bulle pontificale (il avait en cela repris le projet de son prédécesseur, le pape Benoît XV (1854 -1922), empêché par la mort, le 22 janvier 1922, de le réaliser.

On ne peut s’y méprendre, la proclamation du pape se fonde sur le Vœu de Louis XIII, jusqu’à, s’il était possible pour deux actes de natures différentes, fusionner avec lui : Le pontife, en effet, modèle son texte sur celui du décret royal, il en adopte le style, il use des mêmes mots pour aboutir à la même fin : le roi avait décrété : « … Nous avons déclaré et déclarons que, prenant la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume… ». Le pontife, quant à lui, atteste :

« Nous déclarons et confirmons que la Vierge Marie Mère de Dieu, sous le titre de son Assomption dans le ciel, a été régulièrement choisie comme principale patronne de toute la France auprès de Dieu… ».

Admirons, dans sa sobriété, la pertinence du terme « régulièrement », qui rappelle que le décret royal est juridiquement irréprochable, il vaut précepte de loi et s’avère imprescriptible. En effet, le monarque avait fait adopter le texte par le Parlement (6 janvier 1638), il l’avait signé (10 février), et prononcé publiquement le 15 août. Cela faisait de ce document un acte irrévocable. Il lui manquait seulement un fleuron de gloire : être avalisé par l’Église. Ce fut le pape Pie XI qui, par sa lettre apostolique, en sculpta le joyau et l’en dota.

Si Louis XIII a le souci d’assurer la pérennité à son Décret  :

« afin que la postérité ne puisse manquer à suivre nos volontés à ce sujet, pour monument et marque immortelle de la consécration présente que nous faisons, nous ferons construire de nouveau le grand autel de l’église cathédrale de Paris avec une image de la Vierge qui tienne entre ses bras celle de son précieux Fils descendu de la croix, nous serons représenté aux pieds du Fils et de la Mère, comme leur offrant notre couronne et notre sceptre… » [4],

Si, à son tour, le pontife frappe du même sceau l’exergue de sa lettre apostolique : « pour perpétuelle mémoire » et continue

« … à perpétuité, Nous déclarons et confirmons que la Vierge Marie Mère de Dieu, sous le titre de son Assomption, etc. »,

 le ciel lui-même confirme l’immuabilité sacrée du Vœu royal, et son inviolabilité :

En effet, l’ensemble monumental, témoin de l’auguste Décret, fut miraculeusement épargné par les flammes infernales, lors de l’autodafé criminel qui ravagea la cathédrale de Paris, le 15 avril 2019.

Par ailleurs, comment ce Vœu pourrait-il rejoindre la nécropole du silence et de l’oubli, alors qu’il avait été demandé au roi par le Christ lui-même (par l’intermédiaire de la stigmatisée Anne de Goulaine, en 1636) ?

Parce qu’on ne consacre pas de façon immortelle ce qui est éphémère, la pérennité attachée au Vœu sacré et à la lettre apostolique, atteste celle du Royaume de France. Cela nous renvoie à la prophétie de saint Rémi au baptistère de Reims : « Le Royaume de France durera jusqu’à la fin des temps », et nous voyons le ciel intervenir toutes les fois que l’intégrité de ce Royaume se trouve menacée. Ainsi, au temps de la « grande pitié au Royaume de France », alors que le dauphin Charles VII doutait même de sa légitimité, sainte Jeanne d’Arc fut envoyée par Dieu pour le faire sacrer à Reims.

Évoquons Cotignac, si intimement lié à la naissance miraculeuse de Louis XIV.

La longue stérilité de la reine Anne d’Autriche qui, après plus de vingt ans de mariage ne donnait toujours pas d’héritier à la couronne, inquiétait la France. Cependant les princes de sang ne manquaient pas et, en particulier, Gaston d’Orléans, frère du roi, s’entremettait pour s’emparer du pouvoir : « escomptant la couronne, prenant la tête de toutes les cabales, allié de tous les ennemis de l’intérieur et de l’extérieur… » [5]. Mais l’intervention de la Sainte Vierge montre que non seulement la lignée des rois de France ne peut être interrompue, mais que « le dauphin que Dieu veut donner à la France » doit appartenir à la filiation directe de Louis XIII. N’est-ce pas une indication à prendre en compte ?

« Regnum Galliæ, Regnum Mariæ », nous rappelle la lettre apostolique du pape Pie XI. Quel motif d’espérance, alors que la France, oublieuse de la royauté sociale du Christ, se passionne pour élire à la tête du gouvernement de la Fille aînée de l’Église, un représentant de la république maçonnique ! Que l’on ne s’y trompe pas : on ne peut saper les valeurs sacrées de la France, on ne peut déconstruire le Royaume de France. La monition de sainte Jeanne d’Arc au roi d’Angleterre vaut pour notre temps :

« Vous ne tiendrez point le royaume de France de Dieu, le Roi du ciel, fils de sainte Marie, mais le tiendra le roi (Charles), vrai héritier : car Dieu, le Roi du ciel, le veut. »

La lettre apostolique du pape Pie XI proclamant Marie Patronne principale de la France est un gage de victoire, un motif d’espérance :

« il Nous est doux et agréable […] de décréter ce qui pourra devenir pour la France une cause de bien, de prospérité et de bonheur. »

Elle s’achève par la proclamation de sainte Jeanne d’Arc patronne secondaire de la France [6], et conclut :

« Nous prions Dieu […] que par l’intercession de ces deux célestes patronnes […] la France catholique, ses espérances tendues vers la vraie liberté et son antique dignité, soit vraiment la Fille première-née de l’Église romaine ; qu’elle échauffe, garde, développe par la pensée, l’action, l’amour, ses antiques et glorieuses traditions pour le bien de la religion et de la patrie […]

« Que les présentes Lettres soient et demeurent toujours fermes, valides et efficaces, qu’elles obtiennent et gardent leurs effets pleins et entiers, qu’elles soient, maintenant et dans l’avenir, pour toute la nation française le gage le plus large des secours célestes, qu’ainsi il en faut juger définitivement ».

Vient alors la conclusion qui vaut un avertissement :

« … que soit tenu pour vain dès maintenant et de nul effet pour l’avenir, tout ce qui porterait atteinte à ces décisions, du fait de quelque autorité que ce soit, sciemment ou inconsciemment. Nonobstant toutes choses contraires.

« Donné à Rome, près Saint-Pierre, sous l’anneau du Pêcheur, le 2 du mois de mars de l’année 1922, de Notre Pontificat la première année ».

Ô France, ô Galliæ Ecclesiæ Filliæ primogenitæ, Royaume de Marie, comblée de tant de privilèges, appelée à l’honneur de faire régner le Christ jusqu’aux confins de l’univers, pourquoi t’échiner, pourquoi t’abaisser à faire ton choix parmi des programmes électoraux impies, quand le seul gouvernement légitime, et qui apportera la prospérité et la paix aux peuples de l’univers, se fonde sur le règne social du Christ-Roi, par Marie, patronne principale de notre pays ? « L’Évangile est le code du gouvernement, tout aussi bien que celui des individus » , assurait le comte de Chambord (1820-1883 – Lettre du 14 mars 1871 au comte Douhet).

« Toi, France, qui ne meurs pas, ne meurs pas ! » [7]

Élise HUMBERT

[1] – Le 21 septembre suivant l’abolition de la royauté était proclamée et la république instaurée.

[2] – L’acte d’ « annulation » du Vœu par Louis-Philippe Ier, eut pour conséquence de faire tomber le décret royal en désuétude presque générale. Ce fut la concomitance des dates, 15 août 1988, clôture de l’Année mariale, 15 août de la même année, 350e anniversaire du Vœu de Louis XIII, qui décida le cardinal Lustiger, archevêque de Paris, à célébrer le décret royal, ce qui redonna vie à la tradition de sa célébration solennelle chaque année.

[3] – France, Fille aînée de l’Église.

[4] – Le roi, empêché par la mort (1643) de réaliser ce monument, c’est la piété filiale et mariale de son fils qui s’en chargea. C’est pourquoi non seulement Louis XIII, mais aussi Louis XIV, y sont représentés (de part et d’autre du maître-autel en avant de la pietà).

[5] – Cardinal Baudrillart, Semaine religieuse n° 31 du diocèse de Fréjus-Toulon, 1938.

[6] – Le 3 mai 1944, en pleine guerre, le pape Pie XII proclama sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus – qui avait été canonisée par Pie XI le 17 mai 1925 – patronne secondaire de la France.

[7]Discours et panégyriques de Sa Sainteté Pie XII cité par Gabriel Hanotaux dans Vingt ans d’histoire religieuse de la France (Éd. Plon, 1942, p. 355).

La lecture de cet article extrait du numéro 779 (mars 2021) de Lectures Françaises vous est offerte en intégralité. Pour découvrir le  sommaire du numéro et le commander, c’est ICI !

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