Le 10 juin dernier, à Astana, capitale du Kazakhstan, s’est tenu le sommet annuel de l’OCS, l’Organisation de Coopération de Shanghaï. Outre la Chine et la Russie, elle groupe depuis 2006 quatre pays d’Asie centrale : le Kazakhstan, l’Ouzbekistan, le Kirghiztan et le Tadjikistan. L’Inde et le Pakistan y ont entre temps été admis.
Lu pour vous dans Renaissance Européenne.
Il est inqualifiable, au moment où le G7 devient de moins en moins décisif, que notre presse occidentale traite comme dérisoire cette nouvelle structure internationale, devenue entre temps la plus importante au monde, en démographie, en superficie et en armement (quatre puissances nucléaire et des effectifs incomparables). Elle ne fait que progresser dans la mise en place d’un nouveau type de coopération internationale.
Pour traiter le problème afghan, où l’intervention américaine a fait long feu, la Chine, qui a repris la présidence tournante de l’OCS, prévoit une solution asiatique. Pour ce qui concerne la coopération économique, l’OCS étudie l’installation de zones de libre échange dans la perspective d’une intégration économique, en parallèle avec l’UEE, l’Union Economique Eurasienne, et avec la « Nouvelle Route de la Soie » ou BRI (Belt and Road Initiative) des Chinois.
Les présidents Xi et Poutine ont déjà appelé à fusionner UEE et BRI et cela concerne également l’AIIB (la banque asiatique d’investissement pour les infrastructures), la NDB (la nouvelle banque de développement des BRICS) et le fonds chinois de la Route de la Soie. Tandis que la Chine et la Russie souhaitent accélérer la procédure d’admission de l’Iran dans l’OCS, les Etats-Unis réclament un changement de régime dans ce pays !
Dans le Saker francophone, le journaliste brésilien Pepe Escobar épingle ce «contraste cruel» entre la progression de l’intégration eurasienne et «l’arrogance fangeuse du marécage atlantiste». Il fait ainsi référence au slogan de Donald Trump « Drainons le marécage », qui dénonçait la main-mise de l’Etat profond mondialiste sur la politique américaine.
Quand Poutine est intervenu en Syrie, le seul analyste occidental à apercevoir un lien avec l’OCS a été l’universitaire britannique Alastair Crooke, directeur du Conflict Forum. La combinaison Russie-lran-lrak-Syrie d’Assad-Hezbollah libanais, soutenue discrètement par la Chine, a été conçue pour empêcher l’éviction d’Assad, rêvée par l’OTAN. Ce mode opératoire du type OCS révèle à quel point il serait important que l’Iran y accède.
Au même moment, le Qatar envisage de livrer à la Chine son gaz naturel à payer en yuan (convertible en or), car il est de plus en plus évident que ne verra jamais le jour le fameux pipeline qui devrait approvisionner l’Europe en passant par la Syrie et la Turquie. On peut imaginer l’Europe payant son gaz en euro ! Cela justifie l’agressivité violente, à l’égard des Qataris qui se rapprochent de l’Iran, des Saoudiens, inféodés jusqu’ici à l’hégémonie du dollar, et l’hystérie anti-russe des Américains. L’étape suivante sera-t-elle l’intégration de la Turquie à l’OCS ?
Pour Pepe Escobar, la marque du XXIe siècle est l’intégration eurasienne par une coopération gagnant-gagnant. Alors que se confirme une certaine désaffection du Brésil et de l’Afrique du Sud à l’endroit des BRICS, le premier ministre japonais Shinzo Abe, censé être sinophobe et américanophile, souhaite coopérer à l’initiative Belt and Road. Mais, comme Terminator, le marécage de l’Etat profond américain reviendra-t-il déstabiliser la Russie, du Caucase à l’Asie centrale, et fermer aux Chinois la Nouvelle Route de la Soie ?
Robert Van Neck.
Renaissance Européenne n°114 de janvier 2018
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