Soixante-huit : année terrible dans l’histoire des hommes car elle a signé le point culminant de la puissance révolutionnaire. Aujourd’hui, face à la décomposition des États, la jeune génération retourne au réel. Non-instruite historiquement, la nostalgie du passé n’est pas sa motivation. Simplement la recherche d’une vie naturelle qu’elle voit disparaître.
Lu dans La Nation :
Recomposition
Soutenus et prolongés par les relais médiatiques qu’ils avaient investis, ils ont déversé toute la suspicion du monde sur l’histoire suisse et ses acteurs. Ils ont ridiculisé tout ce qui relevait des mœurs, des traditions, des institutions. Ils ont porté des coups,
Vieillis et rassis, ils se retirent aujourd’hui des affaires, léguant aux prochaines générations une société en bout de course : une administration qui empiète toujours plus avant sur les libertés et les propriétés personnelles, un abaissement des frontières qui dissout les cultures indigènes, une mondialisation qui livre sans recours les petits États aux grandes entités politiques ou économiques.
L’université, qui devait « pénétrer la quotidienneté », s’est scolarisée. L’imagination n’est pas au pouvoir, sous réserve d’une créativité fiscale effrénée. La société est plus inégalitaire et compartimentée que jamais.
Le dialogue, c’était leur maître-mot, a été remplacé par des
Les avancées de l’islam ont brisé les confortables automatismes mentaux de cette «élite ». En France, les mouvements antiracistes sont déchirés, ne sachant quelle attitude adopter face à l’inimitié profonde qui oppose la communauté juive et les
Cela les contraint à soutenir, avec d’étranges contorsions, le droit des femmes musulmanes de « choisir librement » le servage conjugal, la burka et le burkini.
Et voilà qu’une nouvelle génération arrive, qui cherche désespérément une bonne raison de se lever le matin.
Ils récoltent, parmi les décombres de l’ordre ancien, les éléments qui leur semblent correspondre à leurs attentes. Ils les
Souvent déçus par le discours exsangue des Églises officielles, ils cherchent ailleurs le cadre spirituel dont ils ont besoin. Ils surfent sur des sites de «ré-information » plus ou moins bien informés et suivent sur internet les aventures pénales de l’un ou l’autre
Contre la mondialisation, qui éloigne, disperse ou dissimule les centres de décision, ils réaffirment la primauté du local. Refusant la virtualisation du monde, la transparence tous azimuts et l’immédiateté universelle du numérique, ils veulent renouer avec l’opacité et le poids de la matière, avec leur corps, avec la terre qui est sous leurs pieds, avec les gens qu’ils côtoient quotidiennement. Du même coup, ils mettent en cause l’immigration continue qu’on nous impose. Ils veulent décider eux-mêmes de la forme et des finalités de leur travail. Ils imaginent des écoles de
Nostalgie ? Leur a-t-on seulement enseigné assez d’histoire pour leur donner l’envie d’être nostalgiques ? Pour eux, il ne s’agit pas de revenir en arrière, mais de remonter aux principes de toujours. Il s’agit de répondre à des nécessités humaines élémentaires et vitales que la modernité a méprisées durant trop d’années.
Beaucoup de ces mouvements disparaîtront au fil des années, amortis par les habitudes, cassés par les divergences théoriques
L’un ou l’autre subsistera peut-être. La confrontation dans le temps long avec la réalité, l’expérience qui en résultera, les débats de fond qu’il entamera avec d’autres groupes lui permettront de compléter et de rectifier ses premiers brouillons de doctrine. S’il dure suffisamment, il participera à sa manière à la recomposition de la société.
Olivier Delacrétaz
La Nation, n°2064, 17 février 2017