Qu’il est dur d’aimer et d’être aimé en 1793 – Entretien avec Gerbert Rambaud

Qu’il est dur d’aimer et d’être aimé en 1793 – Entretien avec Gerbert Rambaud
Le récit historique, lorsqu’il est bien documenté et agréablement conté, permet souvent, mieux que les études les plus savantes, de restituer l’atmosphère d’une époque, de rendre vie au passé. Gerbert Rambaud nous en offre un bel exemple dans ce recueil de nouvelles historiques intitulé : Qu’il est dur d’aimer et d’être aimé en 1793 [1]. Au cours de ses recherches historiques ou de ses lectures multiples, l’auteur est souvent arrivé de croiser des destins oubliés, de femmes ou d’hommes qui vécurent les troubles de la Révolution française d’une manière inouïe, inimaginable. C’est au sujet de huit récits qui racontent les heurs et malheurs de huit familles pendant la Révolution que Gerbert Rambaud nous a accordé un entretien.

Jacques Villemonais : Dans « Salut et Fraternité en Bourgogne », nous admirons le courage et l’endurance à la persécution de la jeune femme Victoire Charlotte de Pechpeyrou-Comminges de Guitaut, et de sa famille par le juge Guillaume François Royer. Voudriez-vous nous éclairer ? N’a-t-il pas prononcé l’acquittement de Victoire Charlotte, tout en la maintenant en prison parce que suspecte !

Gerbert Rambaud : Durant cette période de troubles sans précédents, les juges se sont souvent accommodés avec le droit, y compris avec le droit révolutionnaire, et on le verra à de multiples reprises.

Cependant, la loi sur les suspects du 12 août 1793 permettait d’arrêter immédiatement en toute légalité, sans motif et sans preuve, toux ceux qui « n’ont pas constamment manifesté leur attachement à la Révolution » ou ceux qui « n’ayant rien fait contre liberté, n’ont rien fait pour elle » ! Aussi, cette pauvre Victoire Charlotte de Guitaut va subir les foudres d’un petit Robespierre local, autoproclamé et soutenu par les Montagnards. Ce sinistre personnage voulait imposer sa loi sur toute une famille à qui rien ne pouvait être reproché, si ce n’est son nom et ses origines. Cette jeune femme subira vexations sur vexations, tant durant sa grossesse qu’après l’accouchement. Mais grâce aux villageois d’Époisses qui lui fourniront de la nourriture – leurs revenus étaient saisis – cette famille réussira à survivre. Ce récit nous fait vivre le courage de cette jeune femme, âgée de 35 ans qui va, contre vents et marées, tenir bon, pour son mari, pour ses enfants et c’est justement en raison de sa ténacité, qu’elle subira les foudres du révolutionnaire local. Il cherchera à l’humilier, à la casser psychologiquement, mais elle tiendra bon, une belle leçon de courage !

J. V. : Dans le second récit qui porte le titre du livre, « Qu’il est dur d’aimer et d’être aimé en 1793 », c’est la famille de Armand Marc de Montmorin Saint Hérem, qui fut l’un des derniers ministres de Louis XVI, qui est la victime des révolutionnaires. Sa fille Victoire aux amours contrariés, et dont la fille Élisa, « la petite fille de la Terreur », survivra. Que penser de ces gens, comme Danton, ou le peintre David, amis des Montmarin dans l’ancien monde, qui ont trahi cette amitié sous la Révolution ?

G. R. : C’est ce qui m’a justement fortement surpris ! Voir que durant cette période, les plus extrémistes dans la Révolution vont abandonner, voire, faire condamner leurs anciens amis, même très proches ! La violence va tout emporter sur son passage, famille, amitiés, engagements… Certains ne feront que survivre, dans la crainte d’être emportés dans la tourmente, et acceptant l’inacceptable. Ils seront soit complices, par passivité, soit actifs, espérant faire oublier leurs propres passés. Les âmes idéalistes qui s’étaient engagées au début de la Révolution n’ont pas réussi à comprendre jusqu’à quel point l’Homme pouvait être aussi cruel. Ils croyaient encore en la bonté de la nature humaine, imprégnés des idées de Jean-Jacques Rousseau… beaucoup d’entre eux en mourront… guillotinés par leurs anciens amis. (LIRE LA SUITE DANS NOTRE NUMÉRO)

[1]Éditions Via Romana, mai 2023. 320 pages, 24 €. Préface de Philippe Pichot-Bravard.

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