Qui paie les vélos ?

La question se pose notamment dans les villes qui ont institutionnalisé le principe du vélo en libre-service. Les premiers essais furent effectués à La Rochelle dans les années 70, à Rennes vingt ans plus tard… Puis les grandes métropoles se lancèrent en confiant la concession au numéro 1 du mobilier urbain, JC Decaux. Certes on peut constater que c’est un succès à Lyon – où le système Vélo’V fut lancé il y a dix ans – ou à Paris, qui propose aujourd’hui 16 000 Vélib’ dans un millier de stations. On pose sa carte magnétique sur une bor­ne et on prend une bicyclette que l’on pourra remettre dans n’importe quelle station.

La « Liberté chérie » n’aurait pas de prix ?

Surtout quand les profiteurs ne sont pas les payeurs. Car il faut bien revenir à des éléments bassement matériels. Par l’intermédiaire de sa filiale Cyclocity, JC Decaux aménage les stations et exploite le service. En échan­ge, il dispose dans la ville, des panneaux publicitaires (qui sont une grosse source de recettes). L’abonné bénéficie ainsi d’un VLS (vélo en libre service) pour un faible coût, soit entre 20 et 40 euros par an. Devant les premiers succès, d’autres opérateurs ont suivi. Seulement, quelques équipes municipales ont, depuis 2014, vérifié, selon le jargon comptable, la « viabilité du modèle économique ». En réalité, ce service presque gratuit pour l’usager, coûte cher à la collectivité.

Certains nouveaux maires ont pensé à renoncer au VLS. Ainsi à Valence, la dépense annuelle du Libélo atteint 400 000 euros pour 300 abonnés. A Pau, c’est encore pire : pour 400 abonnés, la facture est de 703 000 euros. En retranchant les recettes, le coût annuel est de plus 2000 euros par vélo. On trouve des niveaux de coût (par vélo et par an) identiques ou supérieurs ailleurs : 2250 euros à Orléans, 2413 à Rennes, 3267 à Marseille (selon les calculs de la société de conseil Mobiped).

A Paris, chaque Vélib’ coûte 4000 euros à la collectivité

A l’origine le coût annuel avait été estimé à 1000 euros par JC Decaux qui a été surpris par le nombre de vols et le niveau de vandalisme. Depuis il a révisé ses contrats. A Paris, chaque Vélib’ coûte 4000 euros à la collectivité (Frédéric Héran, « Le retour de la bicyclette », Éd. La Découverte). Cet économiste a montré que les grosses dépenses proviennent pour moitié de la régulation entre stations : vider les stations pleines pour approvisionner les stations vides ; plus un gros tiers pour la réparation des vélos vandalisés. C’est bien la ville qui finance les vélos.

Toutes les municipalités qui, en Europe ou en Amérique du Nord, ont adopté le système des VLS, connaissent les mêmes problèmes : les légères augmentations des tarifs parfois décidées, ne changent rien. La contribution de l’usager aux recettes ne dépasse pas 5 % ou 10 %.

Comment ne pas interpréter ces folles générosités municipales comme une simple démagogie à visée électorale, comme une gabegie vaguement clientéliste ?

Frédéric Héran souhaite que lors des prochaines négociations, les questions de coût soient vraiment abordées. D’autant qu’il est prévu de proposer à Paris et à Lyon des VLS avec assistance électrique déjà guignés par les voleurs. Le plus grave me semble venir de la démarche initiale des municipalités qui a été immédia­tement considérée comme un encouragement à l’irresponsabilité individuelle.

La solution semble avoir été trouvée par un autre système qui, précisément, engage la responsabilité des usagers. A Strasbourg (avec le Vélhop) et à Grenoble (le Métrovélo), ont été préférés des dispositifs de location de longue durée, entre un jour et un an. Les locataires sont responsables de leur bicyclette et ils doivent la rapporter à son point de départ. Selon le conseiller municipal de Strasbourg chargé de ces questions, « chaque Vélhop coûte à la métropole 400 euros par an (…) Soit dix fois moins que le Vélib’. » (Le Monde, 20/05/2015). CQFD.

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