Lecture et Tradition : Tout d’abord, Francis Velin, merci de prendre le temps de répondre à nos questions. Nous ne parlons pas tous les mois de poésie dans Lecture et Tradition, mais nos abonnés seront assurément très heureux d’en savoir plus sur les Poèmes de bonheur que vous avez publiés aux Éditions du Drapeau blanc [1]. En effet, leur forme est d’une qualité telle, surtout pour notre époque éprise de licence, que nous ne pouvons que mettre le fait en exergue. Pour commencer, pouvez-vous vous présenter brièvement à nos lecteurs et décrire le contenu de cette œuvre ?
Francis Velin : Eh bien, je vous remercie d’abord pour votre appréciation de ces poèmes ; pour moi, j’ai appliqué avant même de la connaître cette phrase de Paul Morand trouvée dans un recueil de Jean d’Ormesson, qui disait : « Si un auteur ne trouve pas le bon mot, il en cherche un meilleur ».
En effet, j’ai travaillé pendant quarante années dans les assurances où l’on cherche toujours à raffiner les prises de décision : cela correspond tout à fait à ce que je ressens de ma foi catholique qui me pousse incessamment à la recherche de la perfection.
Ce livre retrace quarante-cinq années de ma vie à écrire de la poésie, en cherchant toujours une meilleure expression, comme je viens de le dire, et je pense que les lecteurs s’en rendront compte.
J’estime que le plus grand des arts est la musique puisqu’elle n’a pas besoin de traduction pour se faire comprendre par ceux qui ne parlent pas la langue du compositeur : pour cette raison, j’ai voulu me rapprocher de cet idéal et j’ai essayé de plus en plus de trouver des alliances de mots qui fassent ressortir une « musique ».
Aussi, j’ai toujours apprécié la forme du sonnet ; j’ai donc joué avec cette forme de toutes les façons possibles.
Enfin, le poète avec lequel je me sens le plus en consonance est Baudelaire et, à son image, j’ai voulu faire passer aux lecteurs ce que j’appelle mon « ressenti intérieur », plus trivialement mes « tripes », ce qui est justement le plus difficile à partager, à faire comprendre, mais que seule la poésie permet de transmettre, étant par nature un art tout d’évocation.
L. et T. : Quelles circonstances vous ont poussé à versifier ? N’était-il pas possible de traduire les mêmes réalités par la prose ? Depuis, avez-vous conservé toutes vos productions poétiques, ou bien avez-vous dû opérer un tri ?
F. V. : J’ai un jour écouté une émission d’un musicologue expliquant et montrant que la musique de Bach était construite avec une structure prédéterminée et quasi mathématique, ce qui ne l’empêchait pas d’être belle.
Je pense que le fait de passer par une forme fixée d’avance, loin d’être une gêne pour l’expression comme on peut le penser au vu de certaines productions littéraires ou musicales contemporaines, oblige à bien réfléchir avant d’écrire et à chercher à atteindre la beauté.
J’ai réfléchi à cette question quand j’ai commencé à écrire et j’ai relativement vite décidé que j’allais suivre la voie de Bach, même si cela peut paraître extrêmement prétentieux ! De ce fait, j’ai choisi d’écrire avec une forme structurée, c’est-à-dire en poésie, qui permet d’exprimer des sentiments profonds ou même violents sous une forme courte et vivante.
D’ailleurs, j’ai longtemps souffert, pendant mes études secondaires, chaque fois qu’il me fallait commencer une quelconque dissertation – la peur de la page blanche –, alors que pour écrire un poème, je n’avais qu’à écouter l’inspiration qui m’était donnée. Donc vous voyez que le choix a été facile pour moi.
Cependant, il m’est arrivé de commencer un poème et de ne jamais le finir ; j’ai donc bien sûr écarté ces « enfants » comme non aboutis et ne correspondant ni à la forme générale de ce que j’ai écrit, ni à une idée de départ qui n’était peut-être pas assez claire.
Tout compte fait, j’ai beaucoup aimé écrire ces poèmes, même si j’ai toujours été attentif à la source de l’inspiration qui m’était donnée : cela poussait-il au bien, ou non ? (LIRE LA SUITE DANS NOTRE NUMÉRO)
Propos recueillis par la rédaction
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