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Marchandages pédagogiques

ByLectures Francaises

Juil 28, 2015

Suite à la tornade essuyée par le gouvernement, principalement par le ministre de l’Education (qui ne peut plus s’appeler nationale… je parle de l’éducation), il a fallu, dès juin, que Najat Vallaud-Belkacem, tout en offrant aux caméras son sourire carnassier, en rabatte sur ce qu’elle considère comme accessoire, c’est-à-dire sur les programmes.
Pour elle ce qui compte c’est la énième réforme pédagogique. Celle qui va tout changer puisque sa mission ne sera plus de faire passer des savoirs, mais de former des citoyens avides de leurs droits et adeptes fanatiques du « vivre ensemble ». Mmes Taubira et Vallaud sont inves­ties – du moins, elles en sont persuadées – d’une mission sacrée : changer la société par la loi et il faut bien reconnaître qu’en trois ans, elles ont bien avancé.

Arrêtons-nous quelques instants sur NVB qui, à l’instar de Mme Touraine contre les médecins, a été soutenue à bout de bras par Matignon et l’Elysée. Nous reviendrons sur la réforme de l’école dans le numéro suivant, car il faut s’attendre à des modifications cet été pour la rentrée prochaine. Devant les réactions tendues des professionnels, en première ligne les professeurs de français, de lettres classiques, de mathématiques et d’histoire-géographie [1. En lettres classiques et modernes, en mathématiques, en anglais et en allemand, le recrutement des professeurs est souvent insuffisant par rapport aux postes offerts.  En 2013, près de 1 000 postes étaient restés vacants. Cette année, 114 candidats étaient attendus en lettres classiques pour 230 postes ouverts. La fin programmée du latin et du grec n’arrange rien. En mathématiques, le nombre des candidats est seulement un peu plus élevé que celui des postes : encore faut-il qu’ils aient le niveau, ce qui n’a pas été le cas certaines années.], le ministre n’a pu éviter une retraite élastique sur des positions préparées à l’avance.
Elle avait eu un mauvais réflexe de ministre mal élevé et qui, de plus, ne connaît rien aux ressorts de la machinerie éducative. Irritée de la vigueur des critiques, elle traita d’éminents professeurs et historiens, des philosophes, des chercheurs de « pseudos intellectuels ».

Christiane Taubira
Christiane Taubira

Il est vrai que, depuis Dreyfus, a été entériné par la presse, le syllogisme en boucle entre un intellectuel et sa position politique à gauche. Tous les gens de gauche ne sont pas des intellectuels, mais tous les intellectuels doivent être de gauche. S’ils ne sont pas de gauche, ils ne sauraient prétendre à l’étiquette flatteuse. Ce que NVB a laissé entendre.
Le ramdam des media, des professeurs comme des parents ce printemps, fut tel qu’après avoir réuni les « experts en pédagogie », membres du « Conseil supérieur des programmes », auteurs de ladite réforme, Mme Vallaud décida de lâcher du lest. Donc fut annoncée, en juin, la tenue de quatre forums sur les projets jugés délicats : histoire, mathématiques, français, sciences. Le plus attendu, car le plus polémique, avait été celui sur l’histoire.

Le ministre a cherché rapidement à déminer le terrain. C’était indispensable devant le déferlement des contestations. Les critiques n’ont naturellement été attribuées par les amis du gouvernement qu’aux seuls malintentionnés peu ouverts, aux non-dits douteux. Donc non crédibles. Seulement ces curieux savent lire.
Les projets étaient sortis non sur un site officiel de l’Education mais sur « Le Café pédagogique », site des « pédagogistes » de pointe qui pensaient triompher sans danger. Leurs contestataires avaient vu que, dans l’énumération des chapitres du programme, certains étaient en caractères gras pour signifier l’obligation de les traiter.
Les autres étaient laissés au choix de l’enseignant. Parmi les premiers, on nota aussitôt que l’enseignement de l’islam (obligatoire) se faisait aux dépens de celui de la chrétienté (facultatif) ; pire s’il est possible, ils avaient compris que l’histoire de l’esclavage dans les colonies européennes passait avant celle des Lumières. Enfin, ils condamnaient à nouveau, le péché mortel dans l’enseignement de l’histoire, l’abandon de la chronologie. Ils n’avaient rien inventé ; l’émoi prit de l’ampleur. Au point qu’il fallut que le ministre fasse organiser de nouvelles concertations. Au forum de juin, les membres du CSP annoncèrent que ce « projet », comme les autres, allait être amendé.
La suppression du distinguo entre les « thèmes » obligatoires (c’était bien inscrit) et d’autres « facultatifs » pourrait être envisagée. De plus – quelle marche arrière ! – il fut annoncé que les « choix historiographiques » seraient privilégiés par rapport aux « thèmes » qui paraissent confus aux élèves et aux parents. En histoire, le gouvernement semble accepter la notion de « récit national ». Certes lors du marchandage, des mines ont bien été enlevées mais le CSP ne veut pas revenir sur la nouvelle structure et son « idéologie » : restent la présentation des programmes par cycles : sur trois ans et non sur un seul, « fixant des objectifs à atteindre » plutôt que le niveau à acquérir, selon une logique « curriculaire » [2. NVB avait déjà, en septembre 2014, utilisé cette expression typique du jargon de l’éducation. En cherchant bien, on apprend que cette notion englobe à la fois le programme, ce que les élèves doivent apprendre, les méthodes d’enseignement et la manière d’évaluer. Plus concrètement son usage par les Trissotins et autres « Précieux » de l’Education, vise à remplacer celui de programme qui énerve les tenants du pédagogisme. Cela n’empêche pas que cet « affreux barbarisme » permet de brouiller un peu plus la logique et le bon sens.] appliquée chez nos voisins européens… dont les résultats sont un peu meilleurs que les nôtres. Que nous prépare le gouvernement pour la rentrée ? La vigilance reste de rigueur.

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