L’expression est d’un homme du sérail, Philippe Bas, président de la commission des lois du Sénat (LR). Auparavant il a été secrétaire général de l’Elysée (2002-2005) et ministre délégué à la Sécurité sociale. Quels que soient les gouvernements, une constante se confirme : le Parlement vote de plus en plus de lois chaque année. Mais elles sont bloquées par les lenteurs des décrets d’application qui prennent parfois plusieurs années avant d’être publiés par les administrations, « voire ne le sont jamais ».
Depuis qu’en 2008, François Fillon alors Premier ministre, s’en était plaint et avait pris une circulaire pour que, tous les six mois, soient publiés les bilans de l’application des lois. On a donc une sorte d’évaluation. Pour les deux premières années du quinquennat de François Hollande, elle arrive à 59 %, ce qui signifie qu’à peine un décret nécessaire sur deux avait été publié. Pour la même échéance, en décembre 2009, Sarkozy avait atteint 84 % avant de descendre un peu ensuite.
Avec « Moi, président », tout le monde a pu constater une multiplication des annonces et des votes réalisés à « un rythme effréné ». Beaucoup sont inapplicables, faute d’un décret précisant les modalités précises (loi sur la psychiatrie, loi contre la fraude fiscale, lois sur les retraites, sur la consommation, sur l’artisanat, loi logement et ses 177 articles, etc.). C’est à nouveau la démonstration que le gouvernement, comme les précédents, suite à tel ou tel fait divers suscitant une forte émotion, s’empresse à tout bout de champ de faire des lois pour donner le change à l’opinion.
Or, comme le rappelle le sénateur Bas : « la loi doit être structurelle et non conjoncturelle ». Avec raison il dénonce la démesure législative et donne deux exemples : « le projet de loi NOTRe de la réforme territoriale comportait 37 articles et la loi publiée en compte, finalement, 136. Le projet de loi Macron est, lui, passé de 106 articles à 308 » (Le Monde, 05/08/2015).
Il faut également savoir qu’une bonne partie des décrets d’application ne sortent pas pour une question de budget. Quand une dépense est impliquée par le décret, le ministère du Budget fait en sorte d’invoquer des difficultés techniques et le décret ne sort pas. On ne s’étonnera pas ensuite qu’une partie du peuple prennent les gens au pouvoir pour des zozos.