La Route de la Foi, par Jean-Pierre Rey

La Route de la Foi, par Jean-Pierre Rey

Pendant des siècles la Route de la Soie a permis à l’Occident de communiquer avec l’Asie et de recevoir ses richesses et ses trésors. La Route de la Foi emprunte le même chemin de communication avec l’Orient et a pour bagages le christianisme, la philosophie et la science.

Les Missions Étrangères de Paris, avec d’autres congrégations, ce sont inscrites dans cette dynamique afin d’accomplir « l’œuvre de l’homme pour répondre au dessein de Dieu ».

Ce livre est la biographie, grâce à des recherches d’archives, d’un missionnaire, Eugène-Maurice Verdeille, qui à l’âge de 25 ans se trouve confronté à Pékin à la pire des inhumanités : la révolte des Boxers.

Né en 1875, dans l’Aveyron, repéré par son curé, il entre au petit séminaire.

À 18 ans, l’appel des horizons lointains et du service de Dieu, les lettres édifiantes publiées dans les Annales de la Propagation de la Foi, l’engagent à demander son inscription au séminaire des Missions Étrangères de Paris, rue du Bac.

Ordonné prêtre en 1899, il embarque à 25 ans pour l’Asie avec une volonté sans faille au service de l’Église et de la Foi.

En Indochine, il append la langue sino-vietnamienne.

À 2800 km de là, à la cour impériale de Pékin, la situation politique est confuse. En mars 1900, la société secrète des Boxers, vivement xénophobe, s’arme et marche sur Pékin. Au même moment Maurice Verdeille est affecté par sa Congrégation à Pékin.

La nouvelle vient de parvenir du massacre de soixante-dix chrétiens chinois. Toutes les légations des pays européens présentes à Pékin sont en danger et les gouvernements envoient des troupes pour les défendre. C’est ainsi que le Père Verdeille se retrouve aumônier des marins et soldats et interprète de l’État-Major.

L’auteur raconte, avec savoir et culture, la situation et les événements.

Enfin la paix revient, en apparence. Et Maurice Verdeille a la charge pastorale d’un immense secteur où il œuvre magnifiquement dans une misère sans fond. Les lettres qu’il écrit à sa famille sont très intéressantes.

Il trouve parfois un peu de repos chez le consul de France, Paul Claudel qui l’apprécie et l’encourage à traduire et écrire en chinois. À côté de son travail de propagandiste de la Foi, il lui faut une énergie sans pareille pour s’approprier la vaste culture chinoise dont il traduit de nombreuses œuvres.

En 1908, Maurice Verdeille reçoit une affectation plus calme en Indochine française à l’évêché de Saïgon. De cette époque aussi, ses lettres sont très éclairantes, faisant état d’une progression satisfaisante et consolante (avec de beaux témoignages), mais aussi de persécutions locales et de tribulations, dans un style clair et vivant.

L’auteur de ces récits nous fait aussi découvrir les comptes rendus des Archives de la Société des Missions Étrangères de Paris. Maurice Verdeille est désormais reconnu comme un érudit sinologue. Mais est-il toujours dans son rôle pastoral ?

Plusieurs chapitres de ce récit sont des traductions d’histoires coutumières trouvées dans le Bulletin des Études Indochinoises de Saïgon et traduites par Maurice Verdeille. Jean-Pierre Rey invite ainsi le lecteur à s’approprier un peu de littérature traditionnelle chinoise.

Cependant en 1910, est diligentée une visite canonique auprès de Maurice Verdeille dans le but bienveillant et confraternel d’aider le présumé déviant à retrouver la vraie voie. L’auteur présente une riche analyse du culte des ancêtres face au dogme catholique.

Maurice Verdeille est réduit à l’état laïque, seul, sans famille, sans revenu, sans statut, d’une santé affaiblie par les conditions sanitaires déplorables et le paludisme. Finalement il épousera une infirmière annamite qui, comme lui, se penche sur la souffrance des autres et la mort.

« La vérité de l’homme est aussi dans l’œuvre écrite, surabondante ».

L’auteur dans les chapitres suivants nous fait à nouveau profiter des traductions de merveilleux contes poétiques traditionnels chinois.

« Ce n’est que l’effet d’une passion, un peu déraisonnable, pour cet extraordinaire peuple chinois ».

Finalement il devient un membre éminent de la haute société intellectuelle chinoise et conseiller pour les Affaires Indigènes auprès des autorités françaises en Indochine.

En 1932, le dernier empereur Bao-Daï le prend comme conseiller, avec l’approbation du cardinal Pacelli (futur Pie XII).

Cet ouvrage passionnant vous apprendra tant de choses, sur la culture chinoise, l’histoire de la Chine impériale au XXe siècle, l’Indochine française, la situation politique avec la France, à travers la personnalité exceptionnelle de Maurice Verdeille, que ce serait fort dommage de ne pas le lire.

Éditions Glyphe, 2022, 200 p., 16 €.

Marie RAULT-FERRÉ

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