Délicat sujet que la justice. Notre ami François Foucart revient sur le problème de la prescription qui est attaquée de tous bords par nos ministres successifs. Il illustre ses propos par la chasse aux nazis et les problèmes de pédophilie chez certains hommes d’« Église ».
Lu dans Reconquête :
Justice : VERS LA POURSUITE SANS FIN ET SANS FREIN ?
La justice pénale repose sur deux piliers, dont l’un au moins, la prescription, est de plus en plus ébréché.
Il existe aussi une prescription de la condamnation non purgée, par contumace : c’est ainsi par exemple, que Klaus Barbie, condamné à mort en 1954, pouvait reparaître libre en 1974 ; c’est comme s’il avait été fusillé, mais l’affaire n’existe plus.
PRESCRIPTION ET NON-RÉTROACTIVITÉ
Ajoutons que l’autre pilier du pénal est la non-rétroactivité de la loi, c’est à dire qu’un délit ou un crime qui n’était pas prévu et codifié au moment de sa commission n’existe pas. Inventez un délit qui n’est pas dans le code, vous ne pouvez pas être poursuivi !
L’ennui, c’est que ces coups de ciseau dans le Code se sont accompagnés chez nous d’une vraie rupture avec le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Exemple, le procès Papon qui fut un procès politique avec un parquet aux ordres du gouvernement, et le constat de l’impossibilité de poursuivre un procès honnête 60 ans après les faits, avec des vérifications
JUGER DES VIEILLARDS 70 ANS APRÈS
Eh bien, on n’a tiré aucune leçon de tout cela, et l’Allemagne morte de trouille, ployant sous le repentir, l’Allemagne qui fut criminelle sans doute, féroce, s’en prend aujourd’hui à des vieillards de 94 ou 96 ans pour leur rôle supposé dans la guerre. Et ces vieillards sont traînés devant des tribunaux pour enfants, puisqu’ils étaient mineurs au moment des faits…
Depuis des années d’ailleurs la chasse aux nazis, compréhensible
Voilà pourquoi on continue à poursuivre certains grands vieillards… quand leur état le permet. La plupart nient, ne comprennent pas ce qui leur arrive, ou bien répondent à côté. Il arrive que certains fassent repentance comme un certain Oskar Gröning, mais d’autres affirment qu’il y a erreur complète comme un certain John Demjanjuk que l’on avait pris pour un autre. Procès inutiles, ridicules, sans objet puisque nous savons tout sur le nazisme.
Jouer à la prescription devient aussi chez nous un sport très à la mode depuis les affaires de pédophilie dans l’Église. À cet égard, si le cas du P. Preynat à Lyon est, hélas, sans équivoque, l’attitude du cardinal Barbarin est bien décevante : craignant l’opinion et la suivant à l’image du pape François, sans courage, il aurait pu se contenter de prendre acte en redisant (ce que tout le monde reconnaît) que des actes de pédophilie active commis par un prêtre sont scandaleux et punissables. Punissables dans les limites du droit, ou alors c’est n’importe quoi, la justice au faciès, la chasse à l’homme. D’autant que,
l’affaire est suspens devant la Cour européenne des droits de l’homme et surtout, l’aggravation de 10 ans (20 au total) de la prescription serait totalement contraire au principe de la non-rétroactivité des lois.
On ne peut pas juger avec une loi de 2017 par exemple des faits prescrits au bout de 10 ans et commis dans les années
LE CARDINAL BARBARIN EN RAJOUTE
À CET ÉGARD, et une fois l’affaire Preynat justement dénoncée,
Voilà pourquoi, et en dehors d’une action en justice, le P. Preynat sera jugé canoniquement et sans doute réduit à l’état laïc : condamnation en principe confidentielle mais qui sera rendue publique, ce qui relancera donc le scandale devant les
Tout cela est d’une rare inintelligence politique : combattre la pédophilie oui, mais relancer sans fin un débat douloureux et piétiner ainsi l’Église est d’une rare maladresse.
D’autant qu’il est facile de s’en prendre indéfiniment à un malheureux prêtre dévoyé, mais plus difficile pour une justice pénale totalement dépassée (les bandes sauvages de Juvisy auront droit à un « rappel à la loi » !) et une justice d’ « Église » d’examiner les faits sans peur, mais aussi sereinement et loyalement.
La sagesse précisément avait imaginé la prescription comme lieu de paix pour la justice, de miséricorde pour l’Église. Où est la sagesse ?
François Foucart
Reconquête , n°335, février 2017