Incinération : suprême révolte.

L’abbé Gabriel Billecocq, prêtre de la Fraternité Saint Pie X et vicaire de l’Église Saint Nicolas du Chardonnet à Paris, nous fait l’honneur et la charité de poursuivre son ministère en rappelant la doctrine de l’Église concernant l’incinération. Cette coutume païenne, largement répandue de nos jours et que Charlemagne découvrait entre autres chez les Saxons, est devenue une idéologie représentant un point levé de plus de la libre-pensée contre la charité de la vérité, enseignée depuis toujours par le magistère ordinaire de l’Église. Rappel opportun.

Lu dans Le Chardonnet :

On parle beaucoup ces derniers temps d’incinération. De quoi s’agit-il ?

La crémation ou incinération est un rite funéraire qui consiste à brûler ou à réduire en cendres le corps du mort.

Quel est le problème qui se pose alors ?

L’incinération est une pratique qui s’oppose à ce que l’Église a toujours fait depuis deux mille ans en prati­quant l’inhumation : les cadavres sont déposés en terre et leur décomposition se fait selon les lois de la nature. Finalement cela ne revient-il pas au même puisque dans tous les cas le corps est censé retourné en pous­sière ? Certes, le résultat est le même. Mais le procédé diffère. Dans un cas il est naturel (inhumation) dans l’autre il est hâtif et brutal (incinération). Mais ce n’est pas là que réside le fond du problème. Ces deux pratiques révèlent deux mentalités différentes.

Qu’entendez-vous par mentalité ?

Il faut comprendre par là que la façon d’agir révèle une façon de penser. Il est d’ailleurs intéressant de noter que dans les civilisations antiques grecques et romaines (et d’autres encore) l’inhumation était de cou­tume car les hommes croyaient à une vie après la mort. En Grèce tout particulièrement, la crémation a été introduite lorsque l’on n’a plus cru à la survivance de l’âme. En un mot donc, les cérémonies funéraires sont liées aux conceptions de la mort et de la vie après la mort. C’est pour­quoi, dans l’Ancien Testament, on ne trouve aucun rite d’incinération. La loi mosaïque ordonnait même d’ensevelir les ennemis. C’est aussi la tradition dans le Nouveau Testament. On ne trouve absolument aucune trace de pratique de crémation dans la chrétienté. Il faut attendre la fin du XIIIe siècle pour voir quelques chrétiens demander l’incinération. Le pape Boniface VIII s’est élevé avec beaucoup de véhémence contre ces pratiques.

S’il ne s’agit que de mentalité, alors vous voulez peut-être dire que l’inci­nération n’est pas un mal, mais que l’inhumation est préférable ?

Exactement. En soi, la crémation ne s’oppose pas directement aux dogmes de la survivance de l’âme et de la résurrection des corps. D’ailleurs, il est des cas (comme celui de la contagion) où l’Église a permis l’incinération. Le Bon Dieu n’est pais limité par les pratiques humaines et la crémation ne peut être en aucun cas une entrave à sa toute-puissance. Mais ce n’est pas parce qu’une pratique n’est pas absolument mauvaise en soi qu’elle convient de fait. Et il faut bien dire que la crémation est très inconvenante. Et ce qui convient hautement doit toujours être préféré à ce qui est très inconvenant.

Pourquoi alors vous opposez-vous à l’incinération ?

Il est nécessaire de remettre cette pra­tique dans son contexte historique. Il fallut attendre en effet la révolution dite française pour qu’un rapport en faveur de la crémation fût présenté à la chambre des Cinq-Cents (novembre 1796). Rapport qui d’ailleurs resta lettre morte ! Mais l’idée continua de faire son chemin parmi les révolution­naires. Ce sont les sociétés maçon­niques qui finirent par obtenir de cer­tains gouvernements cette pratique de l’incinération. On est à la fin du XIXe siècle. Les premières pratiques furent exécutées en Italie dans les années 1870. En France un amendement est publié en 1886. Puis cette pratique s’étendit à travers l’Europe. Or toutes ces sociétés ont promu l’incinération pour s’opposer à la pratique de l’Église, et par là indirectement mais sournoi­sement et réellement aux dogmes des fins dernières. Voilà pourquoi l’Église s’est dressée très vivement contre ces sectateurs anti-chrétiens.

En quoi donc l’inhumation est-elle préférable ?

D’abord elle est la pratique constante de l’Église, et ce fait n’est pas négli­geable. La sagesse de l’Église s’exprime particulièrement dans cette constance à travers le temps. Cette constante tient au fait que l’inhumation signifie le mieux les dogmes des fins dernières. Toute la liturgie des défunts parle de repos éternel et de sommeil en atten­dant la résurrection des morts. Cette attente est bien signifiée par l’enseve­lissement. L’Église a aussi toujours res­pecté et honoré les corps de ses fidèles. La liturgie prévoit dans la cérémonie de l’absoute l’aspersion et l’encense­ment du corps. En effet, le corps a été marqué des onctions saintes, il a été sur terre le temple du Saint-Esprit, a participé aux bonnes oeuvres et a été fi­nalement l’instrument du salut. C’est ce même corps qui a reçu l’eucharistie, semence d’éternité. Il serait inconve­nant et irrespectueux de traiter bru­talement le corps par l’incinération. Enfin, la pratique de l’inhumation est davantage un motif de consolation et d’espérance pour ceux qui restent. On voit mal comment un corps qui a fait l’objet d’affection, de piété ou d’amitié puisse être traité par la crémation qui est une destruction hâtive et brutale. C’est pour toutes ces raisons que l’Église, mère et maîtresse de vie, a légiféré en la matière. Léon XIII tout d’abord s’est élevé avec beaucoup de force contre la crémation. Saint Pie X ensuite, dans le code de droit canonique, a réprouvé ce rite allant même jusqu’à porter des peines contre les catholiques qui auraient demandé l’incinération.

Ne croyez-vous pas que l’Église pourrait changer sa discipline en la matière ?

Il est toujours possible à l’Église de changer certaines pratiques. Mais les arguments de convenance que nous avons donnés en faveur de l’inhuma­tion ainsi que le contexte bien précis et anti-chrétien lié à l’expansion de l’incinération sont des arguments de poids pour l’Église à demeurer dans sa tradition inchangée. Depuis vingt siècles, l’Église a toujours défendu l’inhumation, et elle a encore plus d’intérêt à le faire aujourd’hui, à une époque où les mentalités sont de plus en plus changeantes, où la foi s’amenuise sur la terre, où les concep­tions erronées des dogmes vont bon train dans le monde entier. Face à un monde de plus en plus hostile au christianisme, l’Église, en permettant l’incinération, fruit des loges maçon­niques, se ferait la complice de ces mêmes loges et trahirait sa mission de préserver ses fidèles de la contagion du péché et de l’erreur.

Pour résumer en une phrase célèbre, on pourrait dire qu’à force de ne plus vivre comme on pense, on finit par penser comme on vit. Ainsi, à force d’estomper les vérités des fins der­nières par la pratique de l’incinération, on finit par les nier.

Par l’abbé Gabriel Billecocq

Le Chardonnet, n°324, janvier 2017

 

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