Grande misère de l’armée de l’Air

armée de l’Air
Aujourd'hui, a insisté le CEMAA, plusieurs pays alliés, et notamment la Grande-Bretagne, ont pris de l'avance sur la France (ci-dessus, F-35 britannique).

Le cri d’alerte du général Lanata.

Lu pour vous dans Présent.

Plus de 18 000 postes supprimés en dix ans, 17 bases aériennes fermées, le format de l’aviation de chasse divisé par deux… Auditionné le 19 juillet dernier par les députés de la commission de la Défense, le général Lanata, chef d’état-major de l’armée de l’Air, a lancé un véritable cri d’alerte : faute d’investissements rapides, l’armée de l’Air sera vite déclassée par rapport aux autres forces aériennes, qu’elles soient alliées ou non.

L’ENSEMBLE DU SYSTÈME DE COMBAT AFFECTÉ

Rappelant d’abord aux députés que leur rôle « dépasse celui de la reconnaissance » puisqu’il leur « appartient aussi de décider du maintien à niveau des capacités, en donnant notamment aux aviateurs les moyens indispensables à la réussite des missions qui leur sont confiées », le CEMAA a ensuite dressé un tableau pour le moins alarmant de l’armée de l’Air après des années de contraintes budgétaires. Certes, a-t-il expliqué, pour maintenir ses capacités, celle-ci a dû se transformer radicalement tout en continuant à honorer des engagements sans cesse plus importants. Ce qui fait que son contrat opérationnel, tel qu’il avait été défini par les Livres blancs sur la Défense de 2008 et de 2013, est aujourd’hui largement dépassé alors que ses moyens ont été drastiquement réduits.

Elle a aussi adapté son système de commandement et de contrôle, en revoyant la formation de ses équipages avec le programme FOMEDEC, en optimisant sa logistique, en favorisant l’innovation avec l’Air Warfare Center de la BA 118 « Colonel Rozanoff » de Mont-de-Marsan, en lançant le projet de « Smart Base », en développant ses partenariats internationaux, scientifiques et industriels ou encore en cherchant à adapter en permanence le maintien en condition opérationnelle de ses aéronefs afin de pallier les conséquences du rythme opérationnel intense auquel ils sont soumis.

Seulement voilà, il arrive un moment où il devient très compliqué d’aller plus loin. «Aujourd’hui, a ainsi confié le CEMAA, ces efforts ne suffisent plus» et « l’armée de l’Air fait face à des fragilités qui affectent l’ensemble de son système de combat : déficit en personnels, lacunes capacitaires, vieillissement des parcs d’aéronefs, faiblesse des stocks de rechanges ou de munitions, équipements de mission en nombre insuffisant ».

Une situation d’autant plus grave, a-t-il souligné, que « nous sommes engagés sur trois théâtres d’opérations extérieures alors que les contrats opérationnels n’en prévoient qu’un, et cela à partir de trois bases aériennes projetées au lieu d’une, avec 20 avions de combat au lieu de 12 ». Le tout, avec une « intensité d’engagement trois à quatre fois supérieure à la norme d’activité annuelle pour les avions de chasse ». Avec des conséquences, bien sûr, sur les équipements, mais aussi sur « la condition du personnel et le moral ».

Et le général Lanata d’ajouter : « En un mot, nous grignotons progressivement nos capacités opérationnelles, et le dispositif s’use. » « Voilà pourquoi la charge opérationnelle actuelle nécessite d augmenter les moyens », a continué le CEMAA. Cela afin de « réduire les lacunes capacitaires, qui freinent nos opérations, et redonner une «épaisseur» suffisante à notre dispositif pour être capables de durer ». Enfin, pour « ajuster nos formats à la réalité des engagements constatés ou décidés ».

UN RISQUE RÉEL DE PERTE DE SUPÉRIORITÉ AÉRIENNE

Lors de cette audition, le général Lanata a également alerté les députés sur la modernisation de l’arsenal aérien et antiaérien des « grands Etats », lesquels mettent « en œuvre des stratégies de déni d’accès, qu’ils disséminent ensuite au niveau régional, de l’Asie à la Méditerranée ». Pour le CEMAA, le « risque de perte de notre supériorité aérienne vis-à-vis de nos adversaires potentiels — d’une importance essentielle — est réel ». Tout comme l’est celui « du déclassement vis-à-vis de nos partenaires et alliés, qui se modernisent plus vite que nous », a-t-il souligné.

Citant l’exemple de « l’avion de chasse F-35, avion furtif de dernière génération qui entre actuellement en service dans plusieurs armées de l’air européennes », le général a rappelé que « ce dernier change la donne sur le plan des capacités opérationnelles en raison, principalement, de sa discrétion (…) et de ses capacités de connectivité ». Or, a-t-il prévenu, « dans moins de cinq ans, cet avion constituera le standard de référence pour être capable de participer aux scénarios d’engagement les plus exigeants.

Il nous revient, aujourd’hui, de décider si nous souhaitons continuer à prendre part, demain, aux engagements de ce type ». En clair, la France devrait se doter rapidement d’un avion de combat répondant aux mêmes standards que le F-35. Car, a rappelé le CEMAA, « un pays qui n’est pas au niveau technologique est déclassé. Il l’est vis-à-vis de ses partenaires (…) ; il l’est aussi, évidemment, vis-à-vis de ses adversaires, face auxquels il sera forcément confronté à une situation d’infériorité donc à de grosses difficultés opérationnelles ».

Plusieurs pays alliés de la France ont d’ailleurs pris de l’avance. Ainsi, depuis 2010, a relevé le général Lanata, « les Britanniques ont lancé une modernisation relativement rapide et ambitieuse de leurs forces aériennes, qui les place très sensiblement en avance sur nous », avec 14 ravitailleurs A-330 MRTT neufs (l’armée de l’Air en attend seulement 12, dont neuf ont été commandés), six AWACS (quatre pour la France), une flotte de transport «composée d’une palette de moyens récents» (C130, C17, A400M) et de moyens de surveillance conséquents.

En outre, elle disposera bientôt d’une « flotte de chasseurs composée uniquement d’avions de quatrième et de cinquième génération (Eurofighter et F-35) » quand celle de son homologue française sera plutôt composée d’appareil de génération antérieure (Mirage 2000 et Rafale). Même chose pour l’Australie, « avec à peu près les mêmes types d’équipements : moyens de ravitaillement, de surveillance et de guerre électronique de dernière génération, acquisition du F-35, etc. » Or, a insisté le CEMAA, « que l’on soit surclassé par les Etats-Unis n’est pas surprenant ; que l’on commence à l’être par des partenaires équivalents est une autre affaire » !

Franck Delétraz

Présent n°8918 du 8 août 2017

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