Lectures Françaises

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Un enfant de 4 ans est achevé d´imprimer

Quatre ans. Un âge annoncé non-pas comme une limite fatidique, mais comme la période prédominante dans l’intégration des habitudes.

Un enfant de 4 ans est achevé d´imprimer

Note de l’éditeur :

L’auteur de cet opuscule ne cache pas son admiration pour Maria Montessori. Nous ne voulons en aucun cas faire l’apologie de la méthode Montessori ou des écoles qui la pratiquent, dont les zones d’ombre sont encore nombreuses. Cependant, les conseils de l’abbé Caillon sur l’éducation et sur la spiritualité des jeunes enfants nous semblent judicieux, c’est pourquoi nous vous proposons ce texte.

« Quand une louve perd ses petits, elle a, dit-on, autant de chagrin qu’une maman qui perd son bébé. Et puis, elle a besoin d’être débarrassée de son lait. Il arrive donc qu’elle puisse s’emparer d’un bébé, dans le village voisin, pour l’élever, sans lui faire de mal.

On connaît cinquante-deux cas d’enfants sauvages, c’est-à-dire d’enfants élevés par des animaux sans contact avec l’homme. Ce phénomène, extrêmement rare, est très éclairant sur ce qu’est l’homme et son développement. Voici un cas, pour faire image.

On avait remarqué, au fond d’une forêt, un monstre au milieu d’une bande de loups. Par monstre, il faut entendre une forme inconnue. On tua donc les loups pour avoir le monstre. C’était une petite fille, qui pouvait avoir huit ans et qui vivait toute nue, à quatre pattes, avec des ongles et des cheveux qui n’avaient jamais été coupés. Elle ne savait pas parler, elle hurlait comme les loups, un peu comme un sourd-muet ne parle pas parce qu’il n’entend pas,
et nous verrons que c’est là le trait décisif. Dans l’orphelinat où on l’avait mise après sa capture, elle courait après les poules qu’elle éventrait à même la plume et dont elle dévorait les entrailles avec délices. Elle avait trouvé un poulet crevé au milieu de la cour, elle était allée le déguster dans un fourré et revenait en se léchant les babines, comme on revient d’un festin, les déchets lui tombant des lèvres. Pour boire, elle lapait. L’articulation de la hanche et des genoux était raide, parce qu’elle était toujours à quatre pattes. Au contraire, l’articulation de la mâchoire était très distendue car elle mâchait comme une louve. Au début, quand on s’approchait d’elle, elle faisait comme un chien qui va mordre. Pendant six mois, on ne put l’habiller, elle ne supportait aucune étoffe, elle était habituée à être parfaitement libre. Elle ne vivait que la nuit. Le jour, elle se tapissait dans un coin d’ombre, le nez contre le mur. C’est ce qu’on appelle photophobie, peur de la lumière. Le jour, elle perdait ses moyens ; la nuit, elle retrouvait son agilité. Bref, elle faisait tout comme elle avait vu faire dans la caverne des loups. Ce n’était pas l’hérédité, c’était la marque très spéciale imprimée dans les premières années, le poids spécifique de la première enfance. Finalement,  on n’a pas pu la rééduquer, elle est morte. « […]

« Dans ces pages, je parlerai à la première personne chaque fois que ce sera indispensable pour authentifier un fait dont il serait impossible autrement d’indiquer la référence. » […]

« Un jour, je prêchais dans une paroisse et M. le Curé n’avait pas la télévision. Voulant regarder une émission, j’allai sonner à la porte d’une famille où je pensais pouvoir me présenter. C’est le petit garçon de quatre ans qui vint m’ouvrir. Comme il était tout seul, je lui demandai s’il avait la télévision. L’enfant tout surpris et roulant les épaules, répondit d’un air important : « Bien sûr ! ». Ne voyant personne d’autre arriver, je lui dis : « Sais-tu tourner le bouton ? ». Le gamin, d’un geste protecteur, me posa sa petite main sur le bras et m’expliqua : « On ne tourne pas, on appuie. »
— « Mais tu sais bien parler », observai-je émerveillé.
— « Moi, maintenant, j’ai quatre ans, je sais tout dire. »
Cet enfant exprimait avec candeur, avec le sérieux infini des enfants, une vérité que les spécialistes ont mise en formules scientifiques et à laquelle on ne saurait donner trop de relief : un enfant de quatre ans sait parler. Entre zéro et quatre ans, il a pris une première maîtrise du langage.

Le titre que nous avons donné à cette brochure : Un enfant de quatre ans est achevé d’imprimer peut être à la fois très mauvais ou très bon. Très mauvais si l’on comprend qu’il n’y a plus rien à faire après quatre ans ; mais tout le monde saisit d’emblée que l’éducation n’est qu’amorcée à ce moment-là. Très bon s’il alerte l’opinion et rappelle que l’éducation commence au berceau.

Nous avons voulu mettre comme en exergue ces parents de Tchécoslovaquie : huit jours après la naissance, il font la prière auprès du berceau. Il y a là tout un enseignement. Que faire, avons-nous dit, pour apprendre à un enfant à parler ? Rien. De même, que faire pour lui apprendre à prier ? Rien, sinon qu’il voie et qu’il entende.

L’apprentissage de la conversation avec Dieu doit se faire en même temps que l’apprentissage de la conversation avec les hommes. Si l’enfant de quatre ans sait parler aux hommes, il doit aussi savoir parler à Dieu.

Nous avons voulu également mettre en tête de cette étude le cas des enfants-loups, parce que c’est lui qui éclaire le mieux les questions que nous avons à traiter. Tous les spécialistes sont d’accord ; pour un enfant-loup, l’apprentissage de la parole est au-delà  de ses possibilités. Quand on découvre un enfant qui, jusqu’à sept ou huit ans a été élevé par des animaux, pratiquement, on ne peut plus lui apprendre à parler. C’est trop tard. Il n’a ni vu ni entendu à l’âge requis.

Ceci est très grave pour tous ceux qui sont chargés d’éducation ou de penser la pastorale dans l’Église. Car s’il est impossible d’apprendre à parler à l’enfant-loup, comment apprendre l’amour de Dieu au petit des matérialistes. Certes il n’est pas impossible de convertir un adulte, nous savons tous que c’est possible. Mais ce n’est pas si fréquent, ce n’est pas si facile. Personnellement, je connais Jeannette Vermesch, la veuve de Maurice Thorez. Or, les
quatre fils de Maurice Thorez sont athées. Bien sûr, on peut apprendre demain qu’un fils Thorez s’est converti et entre à la Trappe. Mais ce n’est pas encore fait : il faut le faire ! » […]

By François-Xavier d'Hautefeuille

François-Xavier d'Hautefeuille est le directeur de publication de Lectures Françaises depuis 2010, il a pris la succession de Jean Auguy et de Henry Coston. Il publie une rubrique mensuelle qui s'intitule "Il y a 50 ans" et qui est une rétrospective des numéros de la revue parus.

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