Marie de Lacvivier : Nous avons beaucoup aimé votre premier livre [1], qui tranche, par singularité, dans une époque compassée… À quel genre appartient-il et à qui s’adresse-t-il ? Pourquoi ce titre ? On devine qu’il renvoie aux femmes qui jouent un rôle important dans l’ouvrage.
Josep Maria de la Selva : Il s’agit d’un recueil de trois longues nouvelles, confinant au roman historique. Il n’est pas réservé à un lectorat circonscrit.
Presque transparent, l’espagnol « Ellas » désigne tout simplement le pronom personnel de la troisième personne, au féminin pluriel (« elles »). Deux grands motifs expliquent ce titre : la présence de personnages féminins particulièrement prégnants, comme vous le soulignez ; et le fait que chacune des trois nouvelles se termine en « -ella », terminaison à laquelle il était tentant d’ajouter un -s en guise de marque du pluriel.
La première de couverture s’inspire de façon amusante, mais avec un tableau inspirant sérieux et retenue, d’une revue féminine bien connue (et que l’on ne saurait conseiller). Les femmes occupent des places de choix dans l’intrigue des trois nouvelles, même quand elles ne se trouvent que peu sur le devant de la scène. Leur présence est parfois indirecte, notamment pour l’héroïne malgré elle de la première nouvelle (« Torroella »). L’héroïne de la seconde nouvelle (« Maella ») ne prend qu’au fil des pages ses marques dans le récit. Enfin, seule l’héroïne de la troisième légende (« Paella ») focalise vraiment l’argument par ses faits et gestes.
On aurait tort de croire que cette lecture est réservée aux dames et damoiselles, ou ne laisserait que peu d’espace aux protagonistes masculins. Bien au contraire, ces derniers sont omniprésents, du brave qui assume son devoir au traître qui sert de contre-exemple.
Le tout est encadré par une dédicace et un épilogue qui relient les héroïnes, les héros et les nouvelles, offrant une clef d’interprétation au lecteur.
M. de L. : Pouvons-nous vous demander de vous présenter ?
J. M. de la S. : Je n’ai pas grand-chose à dire de moi-même, sauf que je suis originaire des Pyrénées-Orientales et que j’habite en Espagne, où j’exerce la profession de publiciste.
Il faudrait évoquer l’œuvre, plutôt que son auteur, et je préférerais laisser à d’autres le soin d’en parler. Il est peu évident, pour un auteur, de se replonger dans un livre achevé, quand lui-même est passé à autre chose.
M. de L. : Vous avez écrit trois nouvelles qui se déroulent à trois époques différentes et avez réussi pour chacune à écrire avec le style correspondant. Très Moyen Âge par exemple, pour la nouvelle « Maella ». On est frappé par la richesse du vocabulaire, le réalisme des descriptions, et la vie avec laquelle les personnages nous sont présentés – sans compter l’humour, présent comme il faut et quand il faut.
J. M. de la S. : La première légende prend place aux XIIIe-XIVe siècles, en pleine guerre féodale. C’est la plus longue des trois nouvelles du recueil, et pour une raison logique : elle constitue un récit de l’attente, où le lecteur doit entrer dans un jeu d’échecs grandeur nature. Il y découvrira la supériorité de l’intelligence sur la force, puis la nécessité de la franchise, et – enfin – la primauté sur elles toutes de la vertu et de la grâce.
« Maella », que vous évoquez, est la deuxième légende du récit. Elle se déroule à une époque indéterminée, très probablement la toute fin du xive siècle ou la première moitié du xve. L’ambiance qu’elle propose a quelque chose à voir avec « la grâce dans la tension » qu’évoquait Hemingway à propos d’un certain art hispanique. « Maella » emprunte à la poésie et à la tragédie, mais en prose. Plusieurs de ses dialogues et des dilemmes qu’elle décrit nous rendent spectateurs de scènes épiques. (LIRE LA SUITE DANS NOTRE NUMÉRO)
[1] Éditions du Drapeau Blanc, novembre 2024, 216 pages, 15 €.
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