Edouard Philippe aime danser sur les Volcans

Si Edouard Philippe gère la France comme sa bonne ville du Havre, la réduction du déficit public n’est pas pour demain. Car des engagements initiaux à la réalité, des budgets officiels à l’ardoise finale, il y a une sacrée marge. Avec d’étranges libertés et des secrets bien calculés…

Lu pour vous dans Minute

Nous dansons sur un volcan qui gronde de plus en plus fort », s’est alarmé Edouard Philippe mardi dernier à l’Assemblée nationale dans son discours de politique générale, faisant allusion au « niveau insupportable » qu’atteint la dette de la France, ce qui est parfaitement exact. Cela fait dix ans que François Fillon, alors premier ministre, avait déclaré se trouver « à la tête d’un Etat qui est en situation de faillite sur le plan financier ». Moyennant quoi Edouard Philippe, considérant que le temps était venu de « mettre fin à l’addiction française à la dépense publique », s’est engagé à ramener le déficit public sous les 3 % de PIB — un critère exigé par l’Union européenne — dès 2017, soit en moins de six mois !

QUAND C’EST FLOU, C’EST QU’IL Y A UN LOUP
On demande à voir car, à propos de Volcan — et de dépenses publiques —, il en est qu’il connaît bien, c’est celui du Havre, la ville dont il fut le maire durant sept ans, de 2010 jusqu’à sa nomination à Matignon. Ainsi s’appelle en effet la salle de spectacles conçue par l’architecte brésilien Oscar Niemeyer et inaugurée en 1982 — c’était alors une Maison de la culture — alors que la ville était encore communiste.
Comme il se doit avec ce genre d’édifice à propos duquel nous nous abstiendrons de tout commentaire à caractère esthétique, moins de trois décennies après son inauguration, il a fallu le rénover, pour — c’est l’explication généralement avancée — « redynamiser le site » : le Volcan, ainsi baptisé parce qu’il ressemble à un volcan, s’était endormi. Il était un peu, juste un peu, dégradé…
Le Havre étant lancée dans une course à la modernisation en vue d’être propre comme un sou neuf pour les cérémonies du 500e anniversaire de sa fondation, qui ont lieu cette année, on a donc vu grand… mais annoncé petit. Les devis initiaux de l’opération de réhabilitation de cet espace Oscar Niemeyer, qui comprenait trois chantiers concomitants — les salles de spectacles, avec le Grand et le Petit Volcan à l’intérieur du Volcan, la bibliothèque et les espaces extérieurs —, laissaient espérer que le budget de l’opération tiendrait dans les devis, qui atteignaient 33,5 millions d’euros. Las…
En 2014, le conseil municipal fut aimablement prié d’avaliser des « avenants pour travaux supplémentaires » pour près de 2 millions de plus. Dans la foulée, dans le curieux but d’« assurer le bon déroulement du chantier » — quand c’est flou, etc. —, d’autres travaux furent commandés par le biais des «ordres de services » qui permettent de passer commande sans avoir à les soumettre préalablement au bon vouloir des élus, qui auraient peut-être commencé à râler, pour 1,8 million de plus.
Petit à petit, les entreprises de travaux publics faisaient leur nid, d’où peut-être ce titre en forme de publireportage d’un journal professionnel lorsque Edouard Philippe a été nommé à Matignon : « Un nouveau premier ministre bâtisseur ». Mais un peu imprévoyant, non ?

LES ENTREPRISES DE BTP ONT EU LE NEZ CREUX…
Car dès l’été 2014, interrogé par un conseiller municipal Front national, Edouard Philippe apporte des éléments stupéfiants. Certes, Le Havre a démarré sur 33,5 millions mais en sachant très bien… que le Volcan engloutirait beaucoup plus ! La ville, confie-t-il comme si c’était un signe de bonne gestion, a procédé à des « provisions pour aléas », elle a donc mis de côté l’argent nécessaire pour un coût réel des travaux estimé… à 60 millions ! Soit 70 % de plus que le devis initial !
Il faut comprendre mon bon monsieur, explique en substance le maire du Havre à l’élu FN, car il s’agit d’une opération de « réhabilitation complexe »… en raison, notamment, « de la présence d’amiante » !
Comme si on ne savait pas que les bâtiments érigés dans les années 1970 était bourrés d’amiante jusqu’à la gueule (du volcan), et comme si Edouard Philippe, qui avait été adjoint au maire chargé des affaires juridiques, puis de l’urbanisme, avant qu’Antoine Rufenacht ne lui laisse la mairie, pouvait ignorer ce léger et coûteux détail…

UN TRÈS LÉGER SURCOÛT DE 27 MILLIONS…
Dans cette même réponse, qui vaut son pesant de soufre (volcanique), M. le maire du Havre avouait également que le très léger surcoût de 27 millions (pour arrondir) était aussi dû au fait que les appels d’offre avaient été lancés avant l’obtention du permis de construire, une bête formalité qui avait permis à tout un tas de commissions d’exiger quelques améliorations sur des points bénins comme l’accessibilité aux handicapés ou les risques d’incendie…
Le 15 mai dernier, jour de sa nomination à Matignon, se tenait un conseil municipal au Havre. Luc Lemonnier, son premier adjoint qui lui a depuis succédé, a présenté le bilan des travaux : «Cela concernait trois chantiers : la réhabilitation de la salle de spectacle du Volcan (23 343 000 € HT), la création d’une bibliothèque (16 367 700 € HT) et la requalification des espaces publics (10 396 900 €). » Total : 50 millions d’euros hors taxe, soit 60 millions TTC. Ce que savait Edouard Philippe depuis le départ, mais qu’il voulait tenir secret.
« Le montant de [la] provision pour aléas, ainsi que le bilan détaillé de l’opération, avait-il écrit à l’élu FN, ne peuvent être divulgués lors d’une séance publique. En effet, il est nécessaire de faire preuve de discrétion sur les marges de manœuvre de notre collectivité envers les différents intervenants de ce chantier. » Afin qu’ils n’en abusent pas ? Cela pourrait se concevoir si, curieusement, l’ardoise finale des « intervenants » ne correspondait pas très exactement aux « marges de manœuvre » de la ville. Il est de ces coïncidences…

Marc Bertric

Minute n°2830 du 12 juillet 2017

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