Outre-Atlantique comme en France, les jeunes écoliers passent trop souvent par le système d’endoctrinement collectif des écoles et de leurs programmes soigneusement orientés à gauche. La dernière lubie — bien installée aux Etats-Unis et qui s’insinue déjà chez nous —consiste à vouloir former « l’intelligence Mamelle » des enfants. Et à l’évaluer. Un bon collectiviste tient à connaître son troupeau de moutons… de Panurge.
Lu pour vous dans Minute.
L’intelligence émotionnelle, késaco ? Pour un anglophone qui s’en réfère au dictionnaire d’Oxford, c’est simple : « La capacité à être conscient, à contrôler et à exprimer ses émotions, et à gérer les relations interpersonnelles judicieusement et avec empathie. » L’exemple donné est un petit coup de doxa : « L’intelligence émotionnelle est la clef à la fois du succès personnel et du succès professionnel. »
Car oui, cela s’apprend. Dans un nombre croissant d’écoles américaines, c’est même devenu une matière obligatoire ou à tout le moins susceptible de jouer sur les notes. Sous l’acronyme SEL (« social and emotional Learning », apprentissages sociaux et émotionnels), il y a là un véritable business. Les sites abondent sur Internet pour vendre des programmes de formation et des kits spéciaux pour écoliers, depuis la maternelle jusqu’aux classes de lycée.
Qu’apprend-on en SEL ? La ténacité et le cran ; le flegme et la résilience ; le sens de l’organisation et de la responsabilité personnelle ; la curiosité et l’ingéniosité ; le travail d’équipe et la coopération ; le leadership et la communication. J’aurais un enfant doté de toutes ces qualités, j’en serais évidemment ravie. Pas sûr cependant que cela s’apprenne en classe et que son patrimoine génétique le rende susceptible de briller dans tous ces domaines! Surtout, j’hésiterais à confier à un professeur lambda dans une école publique la formation morale du rejeton, vu surtout l’orientation générale de l’enseignement. S’il pouvait seulement être instruit…
Priorité au travail en équipe
Eh bien justement, les programmes de SEL promettent d’améliorer les «performances académiques». En clair : les notes. Hélas, trois fois hélas, les petits élèves américains fréquentant les écoles publiques ne sont pas mieux lotis que leurs homologues français. Le niveau y est même plus désastreux en raison d’une plus grande vacuité des programmes. A l’heure actuelle, 37 % des jeunes Américains qui atteignent la classe de terminale n’ont pas un niveau suffisant en mathématiques et en lecture pour prétendre suivre une formation universitaire selon les données de l’organisme d’Evaluation nationale du progrès de l’éducation (NAEP). Quant aux évaluations internationales du type Pisa, pour les matières générales, ou TIMSS, pour les matières mathématiques et scientifiques, elles dressent un tableau morose du niveau d’instruction aux Etats-Unis : que ce soit en maths, en sciences ou en lecture, les petits Etats-Uniens atteignent difficilement des niveaux médiocres. Ce n’est pas non plus une question de budget puisque les Etats-Unis dépensent nettement plus que la moyenne mondiale pour l’enseignement primaire et secondaire.
Cela n’empêche pas la mode d’être aux apprentissages « non cognitifs ». L’urgence, c’est l’émotion, dont la formation est ouvertement soutenue par des grands d’Internet comme Google, qui, pour citer un éditorial du « New York Times », a pour objectif avoué d’obtenir un « changement philosophique au sein de l’éducation publique — en donnant la priorité à la formation des enfants aux compétences de travail en équipe et de résolution de problèmes tout en réduisant l’importance donnée à l’enseignement de la connaissance académique traditionnelle comme les formules mathématiques ». En somme, mieux vaut savoir faire un cercle de parole que de calculer sa circonférence. Et — si l’on veut bien raisonner un peu sans s’en tenir à ses émotions —, mieux vaut former des travailleurs formatés, pour qu’on ne voie qu’une seule tête, que des citoyens qui pensent.
Comment modifier le comportement…
Leurs compétences sont celles d’une société sans discrimination où l’on saura faire preuve d’empathie, où l’on respectera la diversité (raciale, religieuse, ethnique, sexuelle et j’en passe), où l’on agira selon des normes sociales et éthiques. Sur ce tout dernier point, il n’y aurait rien à redire si les normes n’étaient pas celles dictées par une société qui a jeté les principales d’entre elles par-dessus bord.
Ce qui s’apprend normalement dans la famille est désormais confié à l’école et aux pouvoirs publics comme aux géants d’Internet qui définissent les contenus. Cela va de pair avec la mise en place de tests et d’examens dans les classes, d’où l’importance des sessions en ligne de la collecte de méta-données dans ces programmes. Et cela va se nicher là où on l’attend le moins : ainsi des tests de mathématiques ou de lecture en ligne sont configurés pour en récupérer également des données psychologiques, par exemple en mesurant le temps pris pour répondre aux questions.
D’autres tests sont plus évidemment destinés à obtenir une sorte d’image sociale de l’enfant ou du jeune, comme ce programme lancé par la société Casel qui demande à l’élève de juger les réponses à des questions du type : « Que faut-il pour faire un bon ami ? » De plus en plus fines et précises, ces évaluations peuvent constituer une violation de l’intimité des enfants et sont réalisées sans même que leurs parents soient au courant. A travers les leçons de SEL, on peut ensuite — la science fait des progrès ! — mettre en place des systèmes de modification comportementale. Ou de la « méditation », de plus en plus à la mode, destinée notamment à inhiber le jugement des actes d’autrui.
Bref, c’est un outil de la socialisation parfaite — la spoliation sournoise du droit des parents d’éduquer leurs enfants. A l’heure où les jeunes passent de moins en moins de temps avec leurs familles et de plus en plus avec leurs écrans, c’est une mainmise organisée sur les intelligences et sur les cœurs.
Jeanne Smits
Minute n°2838 du 13 septembre 2017
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