Dictionnaire culturel de la mer et de la marine, par Pascal-Raphaël Ambrogi

Dictionnaire culturel de la mer et de la marine, par Pascal-Raphaël Ambrogi

Je viens de recevoir le Dictionnaire de la mer et de la marine de Pascal-Raphaël Ambrogi. Il y a quelques années, j’achetai son Dictionnaire encyclopédique de Jeanne d’Arc [1], remarquable ouvrage pour moi dont la famille paternelle est originaire de Neufchâteau. Lieu que j’ai bien connu au cours des vacances de ma prime jeunesse.

Alors, arrive un beau matin, chez moi en Vendée, cet impressionnant ouvrage imprimé que j’ai tout de suite comparé à un navire porte-conteneurs dont la capacité dépasse 16 000 EVP, c’est-à-dire que chaque conteneur représente un des 16 000 termes définis dans ce livre. Déjà, si vous ne connaissez rien aux transports maritimes, je vous conseille d’aller voir la définition de conteneur dans ce dictionnaire. Le plus drôle est de constater que cette explication précède le nom de la grande dame de la mer Anita Conti.

Cet imposant recueil de 1023 pages posé sur mon bureau me rappelle mon premier embarquement sur un des superpétroliers de la Société des Pétroles Shell, le Batillus. Pétrolier de 553 662 tonnes de port en lourd, 414 mètres de long, maître-bau 63 m et 28 m de tirant d’eau.

Ce navire déchargea sa cargaison au terminal pétrolier d’Antifer au nord du Havre. J’embarquai comme lieutenant et je remplaçai mon collègue, l’officier de navigation.

En quelques phrases, vous voilà immergé dans le grand mystère du vocabulaire et du langage marin. En quelque sorte, nous éprouvons tous la même chose lorsqu’on aborde un milieu parfaitement étranger à soi : cap sur un dictionnaire, une encyclopédie, des tutoriels, etc., pour mieux comprendre la vie des autres.

Ce n’est pas facile de se transformer en lexicographe dans n’importe quel domaine et celui du monde de la mer est extrêmement compliqué. Réunir dans un seul ouvrage une somme de termes liés à la géographie des mers et océans, à la construction des navires qui commence avec celle de l’Arche de Noé, dont l’un des premiers poèmes se situe au XVIIIe siècle avant notre ère. Les ouvrages sont très nombreux, comme celui d’Augustin Jal, 1840, Archéologie navale. Chaque siècle a apporté des progrès dans la construction navale et le vocabulaire a évolué des avirons, à la voile et aujourd’hui, avec l’ère de la propulsion nucléaire. Désormais, le vocabulaire technique naval évoluera toujours de la quille à la pomme de mât au cours des siècles, comme l’a décrit le capitaine Heinrich Paasch. Je termine cette courte litanie, et vous laisse découvrir dans le dictionnaire de Pascal-Raphaël Ambrogi, les autres termes couvrant les sujets de notre planète à l’eau salée océane que je ne peux aborder sans écrire pratiquement un ouvrage de synthèse de ce dictionnaire.

En revanche, je voudrais aborder l’humanité maritime avec ses différentes composantes, l’histoire. La mythologie et les religions sont aussi du chapitre, Poséidon est l’un des dieux de la mer. La littérature marine commence par l’Odyssée d’Homère, son apogée se situe entre le XVIIIe siècle et la fin des traversées transocéaniques en paquebots, remplacées par le transport aérien. Vous trouverez un nombre important d’auteurs, femmes et hommes, marins ou non, ayant laissé des ouvrages qui traversent les époques. Nous savons tous que le meilleur critique littéraire est le temps. Pascal-Raphaël Ambrogi a rassemblé une suite de biographies qui traversent les siècles et permettent d’aborder ce genre littéraire marin que l’on compare, avec facilité, à la littérature de voyage.

Il est impossible de faire abstraction des équipages, de l’amiral chef d’état-major aux équipages de la flotte militaire et des fameux gens de mer, du capitaine au novice pont pour la marine de commerce et de la pêche, sans oublier les innombrables composants du Peuple de la mer, cher à Marc Elder, dont les femmes de marins, souvent bien discrètes.

J’aurais quelques réflexions au sujet de cet inventaire incroyable. Les dictionnaires cités dans la partie « Ressources bibliographiques », surtout pour ceux qui sont essentiellement techniques comme celui de Jean-Baptiste Willaumez, à mon avis l’un des meilleurs, comportent des illustrations. Cela va être difficile au lecteur d’aujourd’hui de s’imaginer telles ou telles manœuvres, description technique d’une pièce ou d’appareils du bord sans l’aide de plans ou d’images. Une solution, allez sur internet pour en voir les descriptions illustrées proposées. Deuxième réflexion : le peuple de la mer s’estompe doucement au royaume de France. Les vocations disparaissent. Les grandes régions françaises et d’outre-mer où l’on était marin de père en fils n’existent plus. La jeunesse, surtout de la Métropole, ne veut plus naviguer. Comment la France, qui n’a pas un grand ministère de la mer, va faire pour gérer sa zone économique exclusive (ZEE), la deuxième sur la planète ? L’océan n’est pas qu’un stade et rappelez-vous ce que grommelait Éric Tabarly « La mer, c’est ce que les Français ont dans le dos quand ils sont sur la plage ».

Quand j’ai reçu ce dictionnaire, avant de l’ouvrir, j’ai pensé un moment que l’auteur avait utilisé ChatGPT pour réaliser cet important travail particulièrement réussi. J’espère que cet ouvrage sera présent dans toutes les grandes entités maritimes universitaires et scolaires. Je suis d’accord avec son auteur, il est très difficile d’être complètement exhaustif dans notre immensité océane.

Éditions Honoré Champion, septembre 2024, 1024 pages, 38 €

René MONIOT BEAUMONT [2]

[1] – Éditions Desclée De Brouwer, 2017, 2018, 2018 pages, 49 €.

[2] Littérateur de la mer. Et aussi l’auteur du Dictionnaire chronologique des écrivains de la mer, des origines de l’écriture au début du XXIe siècle (Éditions Anovi, juin 2021, 320 pages, 18 €).

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