La période électorale qui arrive tant pour l’Europe que pour les États-Unis nous pousse à rappeler le rôle des médias dans la campagne et mettre à jour sa partialité.
L’hégémonie actuelle des géants de l’Internet semble rebattre les cartes de l’influence des médias classiques (journaux, télévision…). Pour rappel, la liberté d’information est censée constituer un contre-pouvoir face au pouvoir exécutif, législatif et judiciaire, tout particulièrement en période d’élection. Dans une société où l’audiovisuel est omniprésent, l’étude de la liberté d’expression aux États-Unis et en France semble intéressante à considérer compte tenu de la course à la concentration des grands intervenants privés.
Ce phénomène de concentration ne date pas d’hier : déjà au XIXe siècle les conglomérats existaient et dictaient leur loi, mais d’après une étude du sociologue Rodney Benson en 2019, la question reste d’actualité ; environ 90 % des médias américains sont possédés par six conglomérats aux noms évocateurs de Disney (1923), Viacom (1971), Discovery/Time Warner (1990), News Corp., Bertelsmann (1835) et Comcast (1963) [1].
Le règlement de la concentration des médias aux États-Unis est régi par la FCC (Federal Communication Commission) créée en 1934 ; ainsi depuis 1996 la loi sur les télécommunications a refondé la loi de 1970 interdisant la détention croisée d’un journal, radio ou télévision. La FCC procède tous les quatre ans à un examen des règles d’intérêt public des mouvements de propriété, s’autorisant la liberté d’abroger ou modifier les transferts de titres. Comme nous allons le constater, on peut se demander à quoi sert cette institution tant la concentration ne cesse n’arrête d’augmenter à tous les échelons, notamment du fait de l’augmentation des coûts fixes… et de la fuite des auditeurs et lecteurs sur Internet et vers les médias alternatifs souvent numériques. Il est intéressant de regarder de plus près l’enjeu et l’étendue de cette pieuvre qui manipule les esprits et occupe de façon abusive le devant de la scène.
Les 6 conglomérats qui contrôlent l’information aux États-Unis
Le plus important est Disney, bien connu pour ses dessins animés et devenu incontournable dans le thème majeur du « divertissement ». Une direction dynamique et innovante a renouvelé la marque vieillissante : Michaël Eisner (1984-2004) a lancé avec succès l’industrie des parcs à thème, et surtout depuis 2005 Bob Iger a réalisé des acquisitions majeures : Pixar Animation Studio en 2006 (Toy Story, Cars, L’Age de glace, Kung Fu Panda…), celle de Marvel avec ses comics en 2009 (Captain America, Iron Man, Hulk, Thor…) ou le célèbre studio LucasFilm en 2012 (La Guerre des Étoiles 1,2,3…) sans omettre l’acquisition de 21th Century Fox en 2019. Devenu un géant du divertissement, Disney se diversifie en prenant des participations dans le monde de la télévision et en créant des bouquets de programmes avec ABC Television Network, une partie du réseau câblé avec Disney Chanel – celui-ci diffuse non seulement ses productions cinématographiques, mais également la principale chaîne de sport en direct ESPN [2] qui alimente quotidiennement 76 millions de foyers et dont les émissions sont retransmises dans pas moins de 200 pays – des documentaires avec la chaîne payante National Geographic Television (acquise en 2017).
Ces succès ne doivent pourtant pas cacher des problèmes croissants :
- Pour contrer le n° 1 du « streaming » Netflix, Disney a tardivement lancé sa plateforme payante Disney+, sans grand succès… ceci explique en partie, la baisse de son cours de Bourse depuis 3 ans (passé de 196$ à 90$) [3]…
- Disney paie-t-il aussi son virage « pro-LGBT » et pro-wokisme, en banalisant l’introduction de personnages homosexuels chez les plus jeunes ? Comme le commente l’article de Cath.ch :
« Le film d’animation Avalonia, l’étrange voyage (Strange World, 2022) met en scène une histoire d’amour entre deux adolescents homosexuels. Le long-métrage Buzz l’Eclair (Lightyear, 2022) présente un baiser entre deux personnages féminins. La série Andi Mack, qui s’est terminée en 2019, était le premier programme Disney à faire figurer un personnage gay. »
Ces derniers films ont été à l’époque boycottés et interdits dans 14 pays du Moyen-Orient et des mouvements anti-Disney éclosent en Afrique, plus soucieux de protéger ses enfants que l’Europe et la commission épiscopale italienne. Pire, on apprend dans le même article qu’en mars 2022 la présidente du groupe Disney, Karey Burke exprimait à ses employés sa volonté de voir plus de personnages LGBTQ déclarant : « En tant que mère de deux enfants « queer »[4], un transgenre et un pan-sexuel, je me sens responsable de parler pour eux ». On découvre également que « Disney s’est ainsi ouvertement engagé à faire abroger une loi de Floride adoptée en mars 2022 interdisant l’enseignement sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre dans les écoles publiques. » [5]
Faut-il s’en étonner ? Disney a toujours eu un passif, banalisant depuis son origine son fort penchant pour la magie, la sorcellerie, les sortilèges auprès des plus jeunes : les sorcières, comme la magie noire et la magie blanche pullulent dans ses productions… même le personnage fondateur « Mickey » est controversé [6], n’est-ce pas une étrange manière pour divertir des enfants ?
Disney bénéficie d’une capitalisation boursière de plus de 200 Md$ en ce début mars 2024 et malgré l’importance de sa taille, le groupe pourrait lui-même intéresser un géant numérique en recherche de contenu ; ce qui malheureusement ne changerait pratiquement rien sur le fonds du fait de la toxicité de l’audiovisuel et des médias sur les jeunes qui passent en moyenne plus de 36 heures par semaine devant les écrans [7].
Comcast est un conglomérat qui appartient à la famille Roberts et se répartit en deux divisions, l’une rentable comprenant l’infrastructure numérique (fibre, câble, internet) et l’autre comprenant le contenu : la production NBC Universal (Jurassic Park), la chaîne télévisée Sky, qui vient compléter NBC News, et le «streaming» avec Peacock. L’avenir probable du groupe serait la séparation de ses activités infrastructure et médias, avec pour ce dernier un regroupement avec Warner Bros Discovery et pourquoi pas Disney sur le streaming, pour tenter de s’opposer au rouleau compresseur du secteur Netflix. Sa capitalisation est actuellement de 167 Md$. (LIRE LA SUITE DANS NOTRE NUMÉRO)
Erwan FABER
[1] – cairn.info, « Une interview de Rodney Benson » (professeur à New York University, sociologue), “How Media Ownership Matters in the US: Beyond the Concentration Debate”, fichier PDF.
[2] – Initialement créée en 1978 et acquise en 1996 par Disney – ESPN (Entertainment and Sports Programming Network) avec des programmes exclusifs sur les ligues de football américain (NFL), boxe, hockey, basket (NBA), baseball (MLB)…) relayé principalement sur la chaîne nationale ABC.
[3] – Cours de Bourse du 11/03/2021 au 29/12/2023.
[4] – Mot emprunté de l’anglais signifiant à l’origine « étrange », « peu commun » ou « bizarre », il est utilisé pour désigner tout ou partie des minorités sexuelles et de genres.
[5] – cath.ch, 8/12/22 : « Des groupes catholiques critiquent le virage “pro-LGBT” de Disney », par Raphael Zbinden.
[6] – Mickey à l’envers se lit : Wicked, méchant (voir image), ou référence à Fantasia, où Mickey est un magicien.
[7] – Source NordVPN, enquête menée dans 4 pays en 2021. Étude utilisée par l’assureur Prévoir.
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