Compagnonnage : école du réel et écueils à éviter

Vestige quelque peu déformé, mais non dénué de mérite professionnel, le compagnonnage reste une école où l’on apprend l’art du travail consciencieux. Certes, la Franc-Maçonnerie n’a pas tardé à infiltrer ce reste des corporations d’Ancien Régime (à défaut de documentation sur le sujet, il y a des témoignages faciles à trouver). Mais la nature même du travail est une excellente école du réel, de la conscience professionnelle, de la « débrouillardise » et de l’apprentissage vers l’âge d’homme. Il faut « juste » faire attention aux recruteurs et aux influences internes au bout d’un certain niveau. Les tentations peuvent être grandes, surtout pour des jeunes naïfs face à la symbolique ésotérique.

Lu dans Le Courrier Français :

Reconversion chez les Compagnons

travaux_collectif_viel_audonAujourd’hui prévôt des Compagnons du devoir de la Maison de Poitiers, Camille Cloître est maçon de formation. Avant cela, elle avait suivi une formation en langue et science de l’éducation. Un changement parfaitement choisi.

« J’ai trouvé ma voie. C’est par ces mots que Camille Cloître conclut notre entretien sur son parcours quelque peu atypique, mais sans doute amené à se développer. En effet, de plus en plus, les collégiens et les lycéens sont mis dans des cases qui ne leur conviennent pas toujours.

Bonne élève à l’école et au collège, Camille Cloître était aussi très manuelle. « J’avais un papa ébéniste et bricoleur, j’aimais moi aussi tra­vailler de mes mains». Seulement à l’heure de l’orientation, « je ne savais pas quoi faire au moment de l’orienta­tion. Et quand on est bon à l’école, on ne vous oriente pas vers les matières manuelles ». De fil en aiguille, elle se retrouve en DEUG d’anglais, puis en licence de science de l’éducation. Arrivée à ce stade des études, elle ne se voyait pas aller plus loin et d’une certaine manière la réforme des études dite LMD pour licence, master, doctorat est en quelque sorte tombée à pic. « À cette époque des amis m’ont conseillé de m’orienter vers le métier de conducteur de tra­vaux. Même si chez les Compagnons cela n’était pas encore possible, je suis tout de même allée les voir. Le prévôt de l’époque rencontré dans son Finistère natal lui a conseillé de « s’orienter vers le terrain et de découvrir la maçonnerie. »

Pas très enthousiaste à cette idée, Camille Cloître a été recontactée par le pré­vôt qui semble-t-il tenait là une recrue de choix et ne voulait pas la laisser partir. De plus, même si elle aurait pu aller voir ailleurs, «j’ai compris que pour diriger il fallait d’abord connaître le métier ». Sage décision. De là, le prévôt de Marseille lui a trouvé une entreprise pour débuter sa formation. C’est d’ailleurs grâce à ces premiers contacts avec le monde du compa­gnonnage qu’elle a décidé de devenir un jour prévôt elle-même. Après une première année à Dijon, elle débute un tour de France qui la conduira de Reims à Nîmes, en passant par Angers, Lyon, Toulouse et la Fonda­tion de Coubertin à Saint-Rémy-lès-Chevreuse (78) pour parfaire sa for­mation technique et culturelle. Après ce tour de France, Camille Cloître est admise comme compa­gnon en 2016 alors qu’elle termine son œuvre à Nîmes, par un mur en pierres de 30 mètres de long et doté de divers éléments architecturaux. Elle est ensuite recrutée comme pré­vôt à la Maison de Poitiers qui a tout juste déménagé au Porteau, dans l’enceinte de la Maison de la forma­tion.

D’ici deux ou trois ans, elle retrou­vera le métier qu’il ne faut quitter trop longtemps. « Le métier reste physique dans l’artisanat. C’est difficile de res­ter en lien avec ce métier surtout pour cet aspect des choses. » En atten­dant, elle s’occupe de la gestion des 48 compagnons formés ou en cours de formation de Poitiers. Elle recrute, rencontre les entreprises pour faire connaître le compagnonnage et trou­ver des places d’embauche ou d’al­ternance. Son cursus universitaire lui sert régulièrement, au moins dans la gestion d’équipe. Avec un peu de recul, elle recon­naît avoir fait ce choix du compa­gnonnage pour diverses raisons. « C’est le voyage qui m’a attirée, et la possibilité d’apprendre dans dif­férentes entreprises. La réputation de la formation m’a beaucoup plu. La vie en communauté, qui pour moi coule de source, donne de l’élan, de la force pour aller aux cours du soir ». Et comme les compagnons n’ont jamais fini de donner, la présence des anciens (formateurs, parrains d’un groupe, responsable de corporation) est un encouragement pour les plus jeunes. « Cela donne envie d’aller plus loin ».

« L’environnement de la maison permet d’apprendre le métier plus vite ». À 27 ans, Camille Cloître a trouvé sa voie et semble à son affaire comme responsable d’une maison.

Daniel BIRON

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