Lectures Françaises

Des pirates auxiliaires de la police

Des pirates auxiliaires de la police

Le 2 décembre 2015, Syed Farook et son épouse Tashleen Malik avaient attaqué un centre de gestion des services aux handicapés à San Bernardino (Californie) tuant 14 personnes et en blessant 22 autres, avant d’être abattus par la police. Quelques instants avant l’attaque, Tashleen avait posté sur Facebook un message dans lequel elle revendiquait son allégeance à l’organisation terroriste de l’État islamique. Les meurtriers laissaient derrière eux un iPhone 5c, prêté par l’employeur de Syed. Or l’appareil est protégé par un puissant système de chiffrement : seul son utilisateur connaissait son code de verrouillage. Même Apple, le fabricant, ne le connaît pas et le code s’efface automatiquement au bout de dix essais erronés. Aussi les enquêteurs avaient-ils demandé l’aide d’Apple pour tenter de connaître les interlocuteurs avec lesquels le couple terroriste avait communiqué. Le patron d’Apple, Tim Cook refusa. Il fut suivi sur cette position par Marc Zuckerberg (Facebook) et Sundar Pichaï (Google). En revanche, Bill Gates (ex-Microsoft) estima normal que les fir­mes puissent aider la police dans des cas semblables.

tim cook
Tim Cook, PDG d’Apple. La firme à la pomme a refusé d’aider la police à déverrouiller l’iPhone utilisé par les terroristes de San Bernardino.

Aux États-Unis, le débat entre le respect de la vie privée et le droit de l’État à chercher les criminels, gagna immédiatement les media. Le FBI demanda à un tribunal fédéral de contraindre Apple à concevoir une version modifiée de son système d’exploitation iOS8, ce qui permettrait de contourner les protections du téléphone pour accéder à son contenu. Le PDG d’Apple donna ses arguments pour refuser. En dépit des sondages favorables à l’aide éventuelle d’Apple, la firme refusa d’intervenir. Du coup, le candidat républicain à la présidentielle, Trump, appela ses partisans à boycotter Apple. A la Silicon Valley, la majorité des entreprises (Apple, Twitter, Google, Microsoft…) ont insisté sur la protection de la vie privée et… sur les risques d’abus qui se produiraient si la firme à la pomme remettait un « passe partout » au FBI. L’entreprise avait annoncé sa volonté de se défendre jusqu’à la Cour suprême … quand des pirates (« hackers ») proposèrent au FBI d’accéder au contenu de l’iPhone.

L’inviolabilité de ces « smartphones » exaspère les procureurs américains du fait que « depuis septembre 2014, les terroristes et délinquants de toutes sortes, détenteurs d’iPhone, puissent communiquer avec leurs complices sans craindre que leur téléphone une fois saisi, puisse être exploité pour les incriminer » (Le Figaro, 29/03/2016). Grâce à l’aide des mystérieux « hackers », le FBI a donc eu accès au contenu de l’appareil des terroristes. Ce qui semble avoir beaucoup intrigué Apple qui a demandé au FBI, mais en vain… comment cela avait été possible. Quant aux pirates, on sait seulement qu’ils ne travaillaient pas pour une agence gouvernementale… pour le moment. Le gouvernement a levé les poursuites contre Apple sans qu’ait été tranchée l’opposition entre le principe de la protection de la vie privée et celui du droit de l’État à enquêter pour combattre le terrorisme. Le FBI, qui continue d’affirmer la priorité pour le gouvernement de garantir à la police et la justice l’obtention des informations numériques cruciales « pour protéger la sécurité nationale », n’a pas hésité, dans sa procédure judiciaire, à accuser Apple de faire de son refus de coopérer avec lui, une méthode de marketing… ce qui n’est pas du tout à exclure mais la levée des poursuites a clos la question. Chacun a compris que, derrière les principes (presque) « inviolables de protection de vie privée » garantis en fait par l’industrie numérique de haut niveau, se cachent mal des enjeux financiers colossaux Le FBI a versé 1 million de dollars aux pirates si habiles.

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